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Editorial : L’arme des faibles …

Par Hassan GHEDIRI

Il faut arrêter de croire que nos problèmes, quasiment tous, sont l’œuvre de «parties» invisibles ne cherchant qu’à nuire à notre pays et qui passent leur temps à nourrir les tensions et à fomenter les troubles. Notre problème, nous tous, c’est le refus de reconnaître la réalité et cette tendance de continuer de se réfugier, avec abstinence, dans le déni. La manière de percevoir, d’analyser et d’interpréter les origines de la crise des émigrés subsahariens qui enfle et qui menace de se transformer en catastrophe sécuritaire et humanitaire est, aujourd’hui, la meilleure illustration de cette dangereuse attitude. 

Petit à petit, en l’absence d’une investigation digne de ce nom qui lève le voile sur les sources du problème et qui aurait certainement permis de circonscrire la crise à son commencement, l’on se trouve dans un terrain propice aux manipulations et aux tromperies. Un climat idéal pour cultiver et faire pousser le complotisme. Il y a, en effet, une définition donnée par un professeur français de Sicences-Po et spécialiste du conspirationnisme qui semble décrire à la perfection l’enchaînement à travers lequel a évolué le traitement de la crise des subsahariens en Tunisie. Si aujourd’hui le problème est devenu ingérable, c’est parce que les Tunisiens, gouvernants et gouvernés (à quelques exceptions près), ont cédé aux théories du complot. C’est en effet exactement ce que suggère l’approche dudit spécialiste du conspirationnisme, selon laquelle ces théories surgissent à chaque fois qu’un événement est complexe à assimiler pour une société. 

Quand se taisent les spécialistes et se désengagent les politiciens donnant libre court aux interprétations extravagantes des personnes incompétents et irresponsables, fleurissent alors les théories du complot et se propagent grâce à leur pouvoir attractif, car elles prétendent dévoiler la vérité. Ces prétendus «initiés» qui remplacent le discours officiel se forgent une fausse légitimité en agissent face à une foule profane. Celui qui dévoile le complot est celui qui sait. Il faut dire que les théories de complot sont souvent plus excitantes, plus inquiétantes et troublantes que les faits réels. Elles trouvent donc meilleur écho chez le commun des mortels qui s’informe sur les réseaux sociaux sans aucune capacité de faire la distinction entre les sources sérieuses et un statut écrit basé sur des croyances et des faits invérifiables. Mais ce ne sont souvent point de simples rumeurs qu’on aime propager sous couvert de l’anonymat. Les théories de complot peuvent parfois se fondre dans les discours politiques et «s’officialiser». Un dérapage qui trahit l’échec et qui confirme l’idée selon laquelle la théorie du complot est l’arme des faibles.  

C’est une arme à double tranchant, par ce qu’en se laissant séduire par les récits simplistes, nous nous détournons des véritables enjeux et des solutions concrètes qui pourraient nous aider à surmonter les crises. La crise des émigrés subsahariens ne sera pas résolu en accusant des forces obscures ou en cherchant des boucs émissaires. Elle exige une analyse rigoureuse, une coopération régionale et internationale, ainsi qu’une gestion humaine et responsable. Les théories du complot ne font qu’aggraver les divisions et affaiblir notre capacité à résoudre les problèmes. C’est une manipulation déguisée de l’opinion publique et un alibi pour les officiels pour se dérober à l’obligation de rendre compte, tout en alimentant un climat de suspicion généralisée. 

La rupture avec les théories du complot est un combat qui exige du courage. Car, en définitive, ce n’est pas en cherchant des coupables imaginaires que nous construirons un avenir meilleur. Mais en assumant nos responsabilités pour surmonter les défis et avoir le courage de regarder la réalité en face et à agir en conséquence. 

H.G.

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