Aujourd’hui, le constat est unanime, en Tunisie, sur la nécessité de réformer le Code du travail. Il s’agit d’une composante parmi tant d’autres formant un chantier de grande envergure appelé transformation du modèle de développement. L’immobilisme économique, qui dure depuis plus d’une décennie avec une croissance presque nulle qui fait rentrer le pays dans un labyrinthe d’austérité, a bouleversé l’ordre des priorités de l’Etat. Tandis que le fossé n’a pas cessé de se creuser entre la Tunisie et des économies similaires sur fond de détérioration du climat d’affaires et de dégradation dangereuse de la compétitivité industrielle et commerciale, la précarité sociale et professionnelle des travailleurs est devenue préoccupante alors qu’en même temps le chômage progresse pour atteindre des taux inédits. Autant de facteurs qui, avec les transformations technologiques qui bouleversent les conditions du travail dans le monde, convergent pour rendre cruciale et fondamentale la reconstruction des relations de travail en Tunisie.
Ce sera un défi majeur mais porteur de grandes opportunités. Un défi que l’Etat s’engage à relever, comme ne manque pas à le réitérer le Président de la République dans tous ses discours promettant l’élimination de toutes les inégalités qui nuisent au progrès social et économique des Tunisiens. Vieux de plus d’un demi-siècle, le Code du travail tunisien sera transformé pour être au diapason des évolutions technologiques et des attentes des travailleurs et des employeurs. A l’occasion de la 38e édition des Journées de l’entreprise organisées la semaine dernière à Sousse, le ministre chargé des Affaires sociales a annoncé que la réforme du Code du travail prendra en compte les progrès que connaît le monde aujourd’hui avec les transformations des relations de travail qui sont d’ores et déjà en passe d’être bouleversées par la généralisation d’Internet des objets et de l’intelligence artificielle.
Une réforme en profondeur s’avère donc essentielle pour garantir l’intégration dans l’économie nationale des formes de travail de plus en plus orientées vers la digitalisation et l’automatisation. La précarisation de l’emploi que l’Etat compte combattre à travers ses nouvelles politiques sociales, se caractérisant jusque-là par des contrats de travail intérimaires ne garantissant pas une protection sociale et des revenus décents, pourrait s’accentuer davantage dans le futur. L’émergence du télétravail et la généralisation des plateformes numériques et la flexibilité des horaires promises par les progrès technologiques illimités nécessitent de nouvelles règles de régulation. Le nouveau Code du travail tunisien ne peut ainsi ignorer ces mutations et doit intégrer des mesures spécifiques concernant, par exemple, le télétravail, les droits des travailleurs dans le digital ainsi que toutes les questions liées à la protection des données personnelles. La généralisation attendue des plateformes du travail en ligne avec le développement de l’économie numérique qui constitue un objectif stratégique majeur que la Tunisie vise à l’horizon de 2050, va introduire un nouveau mode de relation de travail, en l’occurrence celui des travailleurs indépendants, des freelances et des prestataires de services. Des professions en bonne et due forme ignorées jusqu’à l’heure actuelle par une législation caduque.
La digitalisation progressive de l’économie dans le monde finira inéluctablement par bouleverser les rapports de la Tunisie, son environnement extérieur mais aussi les relations entre les différents acteurs dans tous les secteurs. L’automatisation des tâches et l’utilisation des solutions robotiques dans l’industrie, l’agriculture et les autres secteurs économiques constitueront, à cet effet, de nouvelles contraintes qui imposent une approche innovante en ce qui concerne la protection des droits des travailleurs et la préservation de la compétitivité de l’économie tunisienne. Réformer le Code du travail tunisien est une étape indispensable pour aligner les pratiques juridiques avec la réalité du monde économique et une perpétuelle transformation. Une réforme qui doit garantir une meilleure protection des travailleurs tout en soutenant l’innovation et la compétitivité de la Tunisie dans un environnement économique concurrentiel et impitoyable.
H.G.