Par Hassan GHEDIRI
Malgré de multiples annonces par lesquelles le gouvernement s’est engagé à redresser la barre, le secteur de phosphates continue à être un facteur essentiel de détérioration du déficit commercial de la Tunisie.
Si la dégradation de la balance énergétique est un fait quasi-inéluctable étant la conséquence des facteurs complexes et hétérogènes liés à l’évolution de l’offre et des prix sur un marché international imprévisible, la décadence du secteur des mines en Tunisie, constituées essentiellement de phosphates, n’est point une fatalité, parce que c’est le manque de solutions fiables et durables qui empêche jusqu’ici d’arrêter l’hémorragie qui perdure. La tendance observée au cours de ces dernières années selon laquelle les contreperformances du secteur de phosphates, jadis un pourvoyeur principal de revenus pour les caisses de l’Etat, sont aujourd’hui une source de déséquilibre majeur de la balance commerciale, s’est réaffirmée dans le bulletin de l’Institut national de la statistique (INS) de décembre 2024 consacré au commerce extérieur. Dans le chapitre des exportations, l’INS, qui mentionne une «stabilité» durant l’année 2024 résultant de la hausse des exportations agroalimentaires (+14,6%) (sans doute liée aux bons résultats de la filière oléicoles), et à un degré moindre des exportations de l’énergie et des industries mécaniques et électriques, met toutefois l’accent sur la baisse drastique de phosphates et dérivés évaluée à -26 ,3%.
Globalement, les résultats de 2024, qui démontrent encore une fois que le commerce extérieur est le talon d’Achille de l’économie tunisienne, viennent dessiner une balance commerciale gravement déficitaire. Le déficit commercial de la Tunisie qui était, en 2023, de l’ordre de 17.069 milliards de dinars (MD) s’est chiffré à 18.927,6 MD à la date du 31 décembre 2024. Soit une perte de 1,8% du taux de couverture, comptabilisé à plus 1.858 MD. Sans doute, l’aggravation de ce déficit doit être expliquée, comme nous l’avons souligné plus haut, par la dégradation du solde commercial énergétique en lien avec la dépendance énergétique de la Tunisie. Hors énergie, le déficit de la balance commerciale recule à 8 MD, soit un déficit énergétique d’environ 11 MD en 2024. Mais avec des exportations de phosphates se maintenant lamentablement au-dessous des véritables capacités de la filière, la Tunisie est en train de s’infliger des pertes colossales intolérables dans un contexte marqué par l’envolée des cours sur le marché international.
Pour remédier à cette situation, il est urgent de réparer les dysfonctionnements. Le secteur du phosphate en Tunisie souffre de nombreuses faiblesses structurelles qui entravent son développement. C’est, sans conteste, la dégradation du climat social dans les régions de production, principalement le bassin minier, qui continue à déstabiliser la production de phosphate. Les grèves fréquentes continuent à perturber les activités de production et d’exportation. Des revendications souvent justifiées par la répartition inéquitable des richesses et par la mauvaise gouvernance des entreprises et établissements opérant dans le secteur. La gestion des tensions sociales est essentielle pour stabiliser la production. Les autorités tunisiennes doivent mettre en place un véritable dialogue social avec les travailleurs des régions minières, en répondant à leurs préoccupations légitimes tout en favorisant un climat de confiance.
Sur le plan international, la Tunisie fait face à une concurrence de plus en plus forte, notamment de la part du Maroc, du plus grand exportateur mondial de phosphate, et de la Chine. Ces pays bénéficient de meilleures infrastructures, d’une extraction plus efficace et de coûts de production plus compétitifs. Pour affronter cette concurrence et renforcer la compétitivité de son phosphate, la Tunisie doit investir davantage dans la recherche et le développement qui permettent de perfectionner les techniques d’extraction et de traitement. La diversification des débouchés à l’international est également primordiale afin de conclure de nouveaux accords commerciaux avec des pays émergents et d’exploiter les opportunités offertes par les marchés africains et asiatiques.
H. G.