Par Chokri BACCOUCHE
Tunisair va mal? On ne le sait que trop. Depuis le temps qu’on entend parler des déboires du transporteur aérien national, on a fini par apprendre la leçon par cœur. Cela fait des années que Tunisair tire le diable par la queue. Les spécialistes qui se sont portés à son chevet ont diagnostiqué, depuis belle lurette, le mal qui la ronge à petit feu, plombant son présent et hypothéquant son avenir. La Gazelle souffre, comme tout un chacun sait, d’un effectif pléthorique à l’origine de son déficit chronique. La mauvaise gouvernance et la corruption y rajoutent une bonne couche et ont fini par donner l’estocade à la compagnie aérienne qui était considérée naguère comme l’un des fleurons les plus en vue des entreprises publiques. La descente aux enfers de Tunisair se mesure à l’aune d’une flotte réduite à sa portion congrue avec seulement une dizaine de zincs en service qui trouvent bien du mal à assurer normalement les dessertes. Le reste de la flotte est cloué au sol par manque de pièces de rechange que les concessionnaires refusent de fournir à crédit, parce qu’ils n’ont pas été payés pour les nombreuses commandes précédentes. Avec un nombre aussi réduit d’aéronefs, il ne faut pas s’étonner outre mesure si les retards et les suppressions de vols, pourtant programmés longtemps à l’avance, deviennent un label qui fait désormais la spécificité de Tunisair et porte gravement préjudice à son image de marque.
Les heurts et malheurs de Tunisair reviennent comme un leitmotiv et figurent parmi les sujets prioritaires évoqués à chaque changement de gouvernement. Depuis la chute de l’ancien régime, les chefs de gouvernement et les ministres qui se sont relayés ont tous promis de réformer en profondeur cette compagnie malade, longtemps considérée comme une vache à lait. Une pauvre génisse qui a été tellement pompée par le clientélisme, le favoritisme et les pratiques douteuses qu’elle n’arrive plus aujourd’hui à tenir sur ses pattes. Triste destin de celle qui fut un temps promise à un bel avenir mais qui se retrouve dans une situation peu amène et un avenir plus qu’incertain. Les paroles n’engageant que ceux qui leur prêtent une oreille attentive, les promesses de restructurer Tunisair sont toutes restées, malheureusement, lettre morte. Sitôt les lampions s’éteignent-ils sur les réunions ministérielles consacrées à ce sujet que tout le monde se replie la conscience tranquille avec le sentiment du devoir accompli. Dans la pratique, il n’en fut rien bien évidemment. On prend soin d’évoquer le sujet et c’est tout. Et c’est déjà pas mal si on en parle. Comme un disque rayé, mais pour rien.
Le dossier de Tunisair est de nouveau à l’ordre du jour. Mardi dernier au palais de Carthage, le président de la République est sorti de ses gonds en évoquant en présence du ministre des Transports, Rachid Amri, et la chargée de la direction générale de Tunisair, la situation catastrophique de la compagnie. Kaïs Saïed a souligné une nouvelle fois la nécessité de prendre des «mesures urgentes» en vue de mettre fin à l’agonie de Tunisair et ordonné de mettre sur pied un «plan de sauvetage» afin que la Gazelle retrouve son éclat d’antan. Le chef de l’Etat a réitéré au passage sa ferme opposition à tout plan de cession, totale ou partielle, de Tunisair, coupant ainsi l’herbe sous les pieds de ceux qui travaillent en catimini pour concrétiser cette option afin de servir leurs intérêts personnels et mettant fin aux rumeurs persistantes qui courent périodiquement à ce sujet. Les intentions sont bonnes bien évidemment, car il importe, pour des raisons à la fois économiques et stratégiques, que Tunisair demeure dans le giron national. Mais il reste l’essentiel, c’est-à-dire l’impérieuse nécessité de lier la parole à l’acte et passer sans plus tarder dans le vif du sujet. Habitués à faire du surplace et d’écrire noir sur blanc leurs promesses sur le dos de la poiscaille comme on dit, nos responsables sont tenus, cette fois-ci, de respecter leurs engagements s’ils aspirent véritablement à sauver Tunisair de la décrépitude et la déliquescence. Comment mettre en route le plan de restructuration de Tunisair qui a connu ces dernières années des vertes et des pas mûres pour des raisons obscures? Aura-t-on droit cette fois-ci à un échéancier clair avec des objectifs bien définis? Comment compte-t-on s’y prendre pour permettre à Tunisair de voler de ses propres ailes faute et lieu d’être maintenue en vie sous perfusion grâce à l’argent des contribuables injecté par l’Etat? C’est à toutes ces questions lancinantes que les responsables chargés de ce dossier brûlant doivent répondre sans plus tarder. Il y a à la fois une urgence extrême et une obligation de résultat, car chaque jour qui passe dans le statu quo complique encore plus la situation du transporteur national dont l’état déplorable ne peut plus endurer davantage de laxisme et de tergiversation qui menacent proprement sa survie et compromettent sérieusement son existence…
C.B.