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La pêche aux poulpes interdite en Tunisie : Pourquoi avons-nous attendu si longtemps pour sauver nos céphalopodes?

Myriam BEN SALEM-MISSAOUI

La pêche aux poulpes est désormais interdite en Tunisie, et ce, à partir du 1er avril 2025. Quelles sont les causes de cette décision et quel est son impact sur le marché aux poissons en Tunisie?

 

Sur décision du ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, il sera interdit de pêcher les poulpes sur toutes les côtes nationales, à partir du 1er avril 2025. En effet, la Commission consultative pour l’organisation de l’exercice de la pêche réunie le 24 mars 2025 a formulé plusieurs recommandations dans le but de préserver cette espèce menacée par la surpêche. Dans un communiqué publié hier, cette mesure a été qualifiée de «pas positif» par l’Association «Kraten» du développement durable, de la culture et du loisir à Kerkennah (AKDDCL).

L’ONG a, en outre, appelé à appliquer vigoureusement cette meure et sévir avec rigueur contre les contrevenants. Idem pour les professionnels de la pêche qui ont lancé un cri d’alarme face à la chute sans précédent de la production de poulpes cette année. Dans une déclaration à l’agence TAP, le président de l’AKDDCL, Ahmed Souissi, a justement déclaré : «Nous avons alerté les autorités que la production a connu une baisse drastique depuis quatre ans menaçant des centaines de pêcheurs de leurs sources de revenus». De fait, pour comprendre les raisons de cette baisse, nous avons posé la question à Adel Chalghaf, pêcheurs opérant sur l’Ile de Kerkennah, qui nous nous a déclaré : «La pêche aux poulpes est soumise à une réglementation stricte et la saison de pêche est fixée chaque année du 15 novembre au 15 avril. Seulement, les autorités ne font rien contre la pêche illégale en dehors de cette saison. Les techniques sauvages utilisées illégalement par certains pécheurs comme la Drina (casier en plastique) ou encore la pêche au sac ainsi que la pollution et les changements climatiques sont également les causes de cette menace qui guette directement les poulpes sur tout le littoral national». Qu’en pensent justement les scientifiques ?

Chute libre…

Très demandés sur le marché local et international, les poulpes tunisiens ont connu une croissance continue au niveau de la production durant ces dernières années. La production nationale de poulpes a connu, en effet, une croissance continue avec une moyenne de 37% par an pour atteindre les 4250 T en 2023. Une croissance qui s’est estampée au cours de l’actuelle saison, puisque, selon certains chiffres, la production n’a pas dépassé les 1550 T depuis le 15 novembre dernier, date de l’ouverture de la pêche aux poulpes. A cet effet, Ridha Ouni, expert en écologie, nous a éclairé: «Cette mesure aurait être prise depuis 5 ou même 10 ans en arrière. Malheureusement, depuis 2011, il y a eu une grande anarchie dans la gestion de ce dossier qui a conduit à l’épuisement des ressources halieutiques. D’autant que le secteur rapporte de la devise pour l’économie, à travers l’export. Mais si on exporte une tonne par exemple de poulpes juvéniles, cela représente une perte parce que cette même quantité peut donner 15 tonnes de plus de poulpes plus tard. Au fait, nous sommes perdants à tous les coups. En plus, les eaux tunisiennes font face aujourd’hui à un autre problème majeur : la pollution. L’exploitation offshore des hydrocarbures dans la région du sud et la pollution provenant du site gazier et pétrolier situé dabs le large de l’Ile de Kerkennah ont aggravé davantage la situation. Désormais, la détérioration de l’écosystème marin est préoccupante, mettant en péril non seulement les espèces marines, mais aussi les moyens de subsistance des communautés dépendantes de la mer».

M.B.S.M.

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