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Rencontre - La chercheuse et universitaire Fatma Lakhdar Maktouf : Pour un projet national renforçant la lecture auprès des enfants et des jeunes

Imen ABDERRAHMANI 

Fine connaisseuse de la littérature pour enfants et du patrimoine tunisien, l’éminente chercheuse, écrivaine et universitaire Fatma Lakhdar Maktouf partage avec nos lecteurs son approche. Comme la musique, la lecture adoucit les mœurs!

 

Des enfants accros à leurs appareils. Des enfants qui boudent la lecture. Des enfants qui souffrent des difficultés psychiques et de maladies physiques à cause d’une longue exposition aux écrans. Nos enfants ne lisent plus ou rarement que lorsqu’il s’agit d’un devoir scolaire. Avec la montée de la violence scolaire, il faut penser au livre comme outil de sauvetage de nos enfants et de nos jeunes. 

Fine connaisseuse de la littérature pour enfants, l’universitaire Fatma Lakhdar Maktouf, qui a figuré parmi les jurys de différentes compétitions du livre pour enfants, nous explique les raisons d’un désistement qui pèse lourdement sur les psychologies de nos enfants. 

«Nous savons tous que les livres favorisent le développement de l’enfant à plusieurs niveaux. Pour rendre votre enfant accro à la lecture, il faut le familiariser avec le livre dès le bas âge. Alors, pour faire face à la pandémie numérique et pour pouvoir sauver son enfant de la dépendance aux écrans, il faut que le livre soit attractif, séduisant déjà dès la couverture sans également négliger l’importance d’une illustration bien soignée, adaptée au thème, recherchée qui fuit le déjà-vu dans d’autres livres», a expliqué l’universitaire Fatma Lakhdar Maktouf.

Ce n’est jamais un jeu d’enfants

«Il ne faut pas prendre la question de l’écriture pour enfants à la légère. Ce n’est jamais un jeu d’enfants. Le livre doit être attrayant, doit rivaliser avec la beauté de ces images que l’enfant voit sur son smartphone ou ordinateur. Il faut aussi que le contenu soit adapté à ce que vit l’enfant aujourd’hui. Et il faut également que la lecture ne soit pas présentée à l’enfant comme un calvaire ou une punition. Au contraire, c’est un agréable moment d’échange avec les autres s’il s’agit d’une séance de lecture à l’école ou à la maison, c’est un moment de découverte, de rêve, d’évasion, de création…», note l’écrivaine et chercheuse, rappelant l’expérience de nombreux pays européens où les livres pour enfants sont conçus comme des livres-jouets, vendus dans des coffrets attrayants pour les petits comme pour les grands. 

«L’édition des livres pour enfants en Tunisie est encore loin de ce qu’on voit dans les salons et les foires du livre dans le monde, pour de nombreuses raisons. J’ai été agréablement surprise lors de ma participation à la 56è édition du Salon du livre du Caire qui a eu lieu fin janvier-début février de cette année par une maison d’édition du Sultanat d’Oman dont les livres pour enfants ont été de vrais bijoux, des livres d’art. Ils ont été d’une beauté dans l’exécution qui rivalisait avec les livres pour enfants des maisons d’édition françaises ou autres», souligne Fatma Lakhdar Maktouf, précisant qu’en l’absence d’un vrai mouvement de critique et médiatisation des livres pour enfants primés et des livres publiés, le résultat reste au-dessous des attentes.

Quel livre pour ados?

«L’écriture pour les jeunes est un exercice délicat. Le livre doit être attractif, attisant la curiosité de ce lecteur-adolescent aux besoins «spécifiques». En se penchant sur l’écriture pour les jeunes, il faut mettre dans la tête les enjeux psychiques de cette tranche d’âge et également étudier le message à véhiculer et analyser les expressions utilisées», précise-t-elle, ajoutant qu’en écrivant des romans de science-fiction ou historiques pour jeunes, bref, n’importe le genre, il faut bien se documenter sur le sujet pour pouvoir développer son écriture, ipso facto, réussir à attirer l’attention de ce jeune.

«Aujourd’hui, nous avons besoin d’un projet national qui prend en considération tous les maillons de la chaîne, avec des objectifs clairs pour faire évoluer le secteur de l’édition pour enfants et réconcilier nos petits et nos jeunes avec la lecture», déclare Fatma Lakhdar Maktouf, estimant que certains sujets peuvent aider à éveiller nos jeunes sur tant de questions d’actualité et développer leur sentiment d’appartenance à la Tunisie et de fierté d’être tunisien. 

La Tunisie des arts et des sciences

«Nous avons dans notre héritage culturel et civilisationnel tant d’histoires et tant d’importantes réalisations qui pourraient séduire nos jeunes», explique la conférencière et la  chercheuse qui, lors d’une conférence donnée récemment, dans le cadre de la 56è édition du Salon international du livre du Caire, février dernier, a rappelé le rôle fondamental de l’école médicale de Kairouan, ses fondateurs, ses innovations et les traces qu’elle a laissées dans la longue histoire de la médecine.

La chercheuse qui a déjà établi de nombreux manuscrits médicaux, qui ont été publiés dans des ouvrages référentiels  tels que «Invitation des médecins» ou «Banquet des médecins» (Da’wat al-atibba) d’Ibn Butlan, lauréat du prix du CREDIF en 2002 et «Le traité de la mélancolie et d’autres œuvres» d’Ishq Ibn Imran, paru en 2023, dans les éditions de la Bibliothèque nationale tunisienne (BNT) et «Arabesques Editions» a mis l’accent sur l’apport des médecins kairouanais et leurs œuvres qui ont circulé et ont influencé autant le monde arabe que l’Europe latine. Sa conférence au Salon du livre du Caire a été une invitation pour le grand public pour lire et relire l’histoire de la Tunisie, pour découvrir sa richesse patrimoniale au-delà des clichés. 

I.A.

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