Par Hassan GHEDIRI
Les résultats (provisoires) de l’exécution du budget de 2024 dressent un constat sans appel sur l’hémorragie financière provoquée par la dépendance énergétique de la Tunisie à l’étranger.
Sur environ 4500 milliards de dinars (MD) ayant servi à la compensation au cours des neuf premiers mois de l’année en cours, 3297 MD ont été destinés aux hydrocarbures, soit plus de 73% du total des dépenses de subvention. Les chiffres des onze premiers de 2024 affichent, en effet, un déficit structurel qui freine l’expansion de plusieurs secteurs industriels et nuit énormément à la croissance économique de la Tunisie. En deux mois, de septembre à novembre, un peu plus de 2,2 milliards de dinars sont, ainsi, venus alourdir le solde de la facture énergétique de la Tunisie. Le déficit de la balance énergétique qui était de 7,607 milliards de dinars fin septembre a poursuivi son en-volée en octobre pour frôler la barre symbolique de 10 milliards de dinars à la fin du mois dernier, présentant à cet effet près de 60% du déficit commercial global de la Tunisie.
Dans un contexte de grandes incertitudes qui planent sur le marché international de l’hydrocarbure et de fortes fluctuations des prix du pétrole et du gaz, la Tunisie se trouve de plus en plus incapable de contenir son déficit structurel. Acculée à subir les chocs et à supporter les répercussions d’un marché international imprévisible, la Tunisie manque souvent de bénéficier des périodes durant lesquelles les cours de pétrole plongent. En même temps, la régression continue des ressources d’énergie primaire due à la diminution de la production nationale du pétrole et du gaz fait accentuer la dépendance énergétique. La production nationale de pétrole brut a affiché une baisse de 14% à fin d’octobre dernier par rapport à la même période de 2023. Cette baisse a touché les principaux champs en exploitation, en l’occurrence Ashtart (-24%), Halk el Manzel (-20%), Miskar (-16%) et Nawara (-10%). Entre temps, la moyenne journalière de la production de pétrole est tombée, fin octobre dernier, au-dessous de la barre de 30 mille barils/j.
Réagir
S’agissant du gaz naturel, la STEG demeure de loin le plus grand consommateur de gaz naturel avec un peu plus de 72% de la demande totale qui est destinée à la production de l’électricité sachant que 95% de l’électricité produite aujourd’hui en Tunisie est générée par des turbines à gaz.
Pour enrayer la tendance de l’aggravation du déficit énergétique, la Tunisie devra se concentrer sur la diversification de son mix énergétique, améliorer son efficacité énergétique, exploiter ses ressources locales de manière durable et renforcer ses interconnexions avec la région. La mise en place de politiques claires et de mécanismes incitatifs pour attirer les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies avancées sera essentielle pour renforcer son indépendance énergétique à long terme. La Tunisie doit investir davantage dans le développement à une plus grande échelle de projets d’énergies renouvelables, notamment au sud du pays où le taux d’ensellement constitue un atout exceptionnel capable d’augmenter considérablement la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays. En parallèle, le cap doit être mis sur l’efficacité énergétique dans tous les secteurs (industriel, résidentiel, transport, agriculture) afin de réduire la consommation de l’énergie. Ceci implique la modernisation des infrastructures de production et de distribution d’électricité, et la réduction des pertes. Sur le plan réglementaire, il est primordial de mettre en place des normes plus contraignantes qui, avec des avantages fiscaux, sont susceptibles d’inciter les opérateurs économiques à adapter des technologies plus efficaces énergétiquement.
Une transition énergétique capable d’atténuer le déficit nécessitera des investissements massifs. Il est donc essentiel de créer un environnement favorable pour attirer des investissements étrangers et soutenir l’innovation.
H. G.