Bien mesuré, sans trop de fioriture, sans excès a été la cérémonie d’ouverture de la 25ème édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC), organisée au Théâtre municipal de la ville de Tunis. Cérémonie qui s'est déroulée dans la joie, en présence des artistes tunisiens et des hôtes de la Tunisie et également de la ministre des Affaires culturelles et d'un bon nombre de diplomates qui ont répondu présents à l'invitation du comité d'organisation des JTC 2024.
Placée sous le signe de la résistance, de la vie, de la solidarité et de la créativité, la cérémonie d’ouverture a été une ode d’amour à des hommes et des femmes qui ont voué leur vie au 4ème art, à ces faiseurs de rêves et ces esprits rebelles qui ont défié tous les obstacles pour jouer ici et là, contribuant au développement de la pratique théâtrale, semant l’amour de la scène, partout… La cérémonie d’ouverture a été une nouvelle confirmation de l’engagement de cette manifestation théâtrale de renommée internationale envers les causes justes, les causes humaines.
Intervenant, comme le veut la tradition, le directeur de cette édition, l’homme de théâtre Mounir Argui a rappelé les principes fondateurs de cette manifestation, revenant sur les grands axes de la programmation tels que le théâtre de liberté, le théâtre scolaire, le théâtre de l’intégration, le théâtre du monde, soulignant l’importance de la présence des théâtres brésilien et vénézuélien, mettant l’accent sur l’originalité de la démarche et de la création du spectacle d’ouverture « Star returning » du metteur en scène de renommée internationale Lemi Ponafasio. Mais peut-on oublier la Palestine, cette blessure qui saigne au quotidien ? Peut-on fermer les yeux sur ce que se passe au quotidien au Liban ? Peut-on oublier ces sons assourdissant des bombes qui tombent au quotidien sur les villes palestiniennes et libanaises, ravageant non seulement des immeubles et des établissements mais également des familles, avortant des rêves ? Peut-on fermer les yeux sur ces cadavres des enfants et fermer les oreilles pour ne pas entendre leurs cris ? Il n’y a que l’art qui peut consoler les âmes affligées et que l’art pour faire face à cette barbarie et pour résister à toutes les tentatives de gommage de la mémoire…
« Dans les moments difficiles, en temps de guerres et d’injustice, un mot devient un acte de résistance. Les JTC sont la voie libre d’une Tunisie libre » a annoncé le directeur de l’édition, lors de la cérémonie d’ouverture qui a été animée par l’actrice Sawssen Maalej.
Un tableau racontant les souffrances des enfants dans les pays déchirés par la guerre, notamment les enfants palestiniens et libanais qui s’accrochent à la vie malgré les bombardements, l’exil forcé, la mort qui plane sur la ville et la solitude a été au cœur de cette soirée inaugurale. Des enfants ont été invités pour jouer sur scène, pour se glisser dans les peaux de ces enfants palestiniens et libanais qui ne demandent qu’une vie normale, comme celle menée par les enfants partout dans le monde. Les situations présentées rappellent bien tant de douloureuses images qui ont été relayées par les médias des enfants palestiniens qui ont perdu leurs parents et qui cherchent où aller, des enfants africains qui cherchent à manger ou d’autres devenus soldats qui s’entretuent…Des photos où on ne voit que les décombres ont défilé en arrière- plan pour rappeler à l’assistance la souffrance de ces enfants dans un monde injuste, s’interrogeant sur le rôle du théâtre en temps de guerre et de génocide. Un tableau qui a été bien applaudi par l’assistance.
La musique a été au menu de cette soirée. Musicien évocateur, poète sans compromis, Shadi Zaqtan, l’un des premiers artistes palestiniens de musique alternative, a été au rendez-vous pour partager avec l’assistance l’une de ses dernières chansons dédiées à Gaza. L’artiste tunisienne Raoudha Abdallah a été également sur la scène du Théâtre municipal de Tunis, lors d’un hommage rendu à Yasser Jeradi, une voix rebelle tunisienne qui nous a quittés, il y a quelques mois. La troupe de musique engagée « Ouyoun Al Kalam » a été au rendez-vous, chantant les rêves possibles et la nécessité de résister et de s’accrocher.
Soirée de reconnaissance, l’ouverture a été une occasion pour rendre hommage à ceux qui nous ont quittés (Mourad Karrout, Saadi Zidani, Abdel Aziz Bel Gaied Hassine, Mahjouba Ben Saad, Mohamed Mourali, Yasser Jeradi) et pour célébrer d’autres artistes pour l’ensemble de leurs carrières. Des Tanit ont été ainsi attribués à Mamdouh Al-Atrash (Syrie), Sami Al Jamaan (Arabie Saoudite) et aux artistes tunisiens Yhaya Faydi, Amel Baccouche, Fatma Bahri, Mounir Ben Youssef et Mohamed Mediouni, Mokdad salhi- et Khemaies Bahri de « Ouyoun Al- Kalam ».