L’approbation, fin décembre, par l’ARP d’un accord de prêt de 500 millions de dollars devant être accordé à la Tunisie par Banque africaine d’Import-Export (Afreximbank) constitue un avertissement pour tous ceux qui pensent que la crise est derrière nous. Il vient, également justifier les méfiances de beaucoup d’autres qui font preuve de sagesse et de modération vis-à-vis de ce que l’on présente depuis quelque temps comme des signes de performance macroéconomique.
Ce prêt d’environ 1,6 milliard de dinars a obtenu le feu vert présidentiel à travers un décret publié au JORT datant d’octobre dernier et validant les délibérations du Conseil d’administration de la BCT qui remontent au mois de juillet 2024. Il semblait être essentiel pour stabiliser temporairement les réserves de change et consolider tant bien que mal les capacités du pays à faire face aux dépenses nécessaires. Les chiffres de la BCT actualisés fin décembre affichent d‘ailleurs une amélioration «théorique» du nombre de jours d’importation qui atteint 121 jours. «Théorique», pour la simple raison que le prêt d’Afreximbank, bien qu’il puisse être considéré comme une bouffée d’oxygène, ne résout aucunement le problème de la Tunisie qui demeure piégée dans une spirale d’endettement. Il ne fait pas l’ombre d’un doute que la grande partie de ce montant va être utilisé pour rembourser des dettes arrivant à échéance en janvier 2025.
Depuis des années, la Tunisie peine à assainir ses finances publiques. La combinaison d’une dette publique croissante, d’un déficit budgétaire persistant et d’une faible croissance économique a considérablement réduit les marges de manœuvre du pays. Déjà en 2023, la dette publique représentait 90% du PIB, un niveau critique et alarmant qui limite les capacités de financement de l’État. Les causes d’un tel endettement excessif sont multiples et diverses que les spécialités n’ont fait qu’énumérer et décortiquer tout au long de ces dernières années. D’abord, il y a cette économie fortement dépendante des importations pour satisfaire les besoins essentiels, notamment en énergie et en produits alimentaires. Ensuite, la politique fiscale inéquitable et inefficace qui ne parvient pas à mobiliser suffisamment de ressources, accentuant par le même fait le recours trop risqué à l’endettement intérieur. Enfin, des choix court-termistes dictés par des considérations politiques au détriment des réformes. Une situation de surendettement qui fragilise la souveraineté économique de la Tunisie, et ce, malgré le veto brandi par Kaïs Saïed en face des créanciers internationaux qui imposent des conditions strictes en échange de leurs prêts, limitant ainsi la capacité des Etats à définir leurs priorités économiques. L’obsession de la dette qui oblige notre pays à consacrer une part croissante des recettes publiques à rembourser ses créanciers empêche de réinventer des mécanismes qui permettent de financer des investissements d’intérêt général dans les infrastructures, l’éducation ou la santé. Cette situation alimente un cercle vicieux : un endettement accru entraîne une perte de confiance des investisseurs, une dévaluation continue du dinar et une inflation galopante, qui affaiblit davantage le pouvoir d’achat des Tunisiens.
Pour sortir de cette spirale, la Tunisie doit adopter une approche audacieuse et structurée. Tout le monde est convaincu qu’aucune véritable relance n’est possible sans une réforme fiscale profonde avec comme un objectif primordial la régularisation de l’informel. Une meilleure mobilisation des ressources internes réduira la dépendance vis-à-vis des emprunts étrangers. La Tunisie doit aussi investir dans les services et les industries à forte valeur ajoutée et être capable de résorber le chômage et offrir des opportunités de carrière plus attractives pour les hautes compétences.
Aucune réforme économique ne peut cependant réussir si elle ne suscite pas une adhésion générale. Ceci dit, l’Exécutif doit impérativement relancer un dialogue avec tous les partenaires socioéconomiques afin qu’un nouveau contrat social puisse émerger des décombres. Un dialogue qui cherche à rétablir la transparence, la justice sociale et l’équité. Parce que les sacrifices ne seront acceptés que si tous les Tunisiens sont convaincus que les efforts sont partagés et que les fruits des réformes bénéficieront à tous. C’est en mettant en œuvre des réformes audacieuses que la Tunisie sera à même de disposer de son destin et tourner (définitivement) la page de la dette. C’est une condition sine qua non pour «reconquérir» notre souveraineté et garantir un avenir prospère aux générations futures.
H.G.