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La chronique de Soufiane Ben Farhat : Tunisie-Politique, Elle court, elle court la maladie des petits chefs…

Par Soufiane Ben Farhat

●     À de rares exceptions près, les nouveaux chefs oscillent entre la mentalité des gourous des sectes traquées et celle des chefs de clan.

Le constat est effarant. A en croire que notre pays s’est vidé de sa vocation millénaire. On a beau fouiller, chercher à la loupe, on n’y trouve plus guère ces hommes et femmes charismatiques qui ont contribué à sa renommée et à sa gloire au fil des âges. Une tendance qui s’était particulièrement amplifiée depuis la seconde moitié du XIXe et tout au long du XXe siècle. Aujourd’hui, hélas, sur la place politique et presque partout des gens courts, sans relief, dépourvus de toute originalité, hormis leur banalité commune.
Cela me rappelle les propos de Sadok Ben Mahmoud, l’un des plus brillants journalistes tunisiens, disparu il y a quelques années. La description d’Albert Londres par Jean Lacouture lui seyait à merveille : “l’alliage constant de la générosité du cœur, de l’acuité du regard, du chant de la phrase ou de l’éclat (parfois clinquant) de la formule”. C’était dans les locaux du journal La Presse, La mine désabusée, il m’avait dit un jour d’hiver, sur un ton de confidence : “Tu sais S.B.F. le Tunisien actuel est fait de mauvaise pâte.” Quelques années plus tard, je l’ai rencontré par hasard au centre-ville, quartier Lafayette, peu avant sa disparition en 2016. Il était seul, hagard, amnésique ou presque mais toujours affable et le sourire jovial.

Désertification politique, syndicale, associative
Il m’arrive souvent par les temps qui courent de méditer amèrement les propos de mon illustre ami disparu. J’avoue qu’il m’arrive souvent aussi de promener autour de moi un regard de spectateur engagé nourri de conscience contemplative. Les faits sont têtus. La désertification ronge les sphères dirigeantes de la place politique. Les partis, les syndicats. les associations et les médias nous distillent au fil des jours des images navrantes de véritables nains qui campent d’une manière ridicule les héros purs et durs.
Paradoxalement, le Tunisien lambda, lui, est toujours le même ; malgré les tensions dues aux aléas de la conjoncture économique et sociale. Certes, l’ascenseur social semble en panne, particulièrement depuis la révolution de 2011. Et le Tunisien s’en retrouve exsangue, agacé, taraudé même par l’angoisse du lendemain. Mais le Tunisien demeure foncièrement le même au bout du compte. Il n’a de cesse de retrouver sa vocation de bon vivant, malgré vents et marées.
Ce qui a foncièrement changé en revanche, ce sont les mauvais bergers qui ont rappliqué en coup de vent, ceux qui assument les fonctions dirigeantes à tous les niveaux. Qu’il s’agisse de la politique, de l’économie, de la culture et des arts, des médias ou du sport, le même constat affligeant s’impose. Ils semblent travaillés par les mêmes tares. Avidité, platitude, calculs d’épiciers, recherche effrénée du profit, goût du lucre, goujaterie caractérisée, la boîte à Pandore quoi.

Gourous et chefs de clans
Étrangement, le phénomène s’est amplifié depuis la révolution. Somme toute, la démocratie s’est avérée une espèce d’exercice de mise à nu. À de rares exceptions près, les nouveaux chefs oscillent entre la mentalité des gourous des sectes traquées et celle des chefs de clan. Il en résulte un nivellement par le bas à tous les niveaux. Témoin, les odeurs faisandées de la corruption -surtout de la petite corruption- et du népotisme qui se sont généralisés, y compris même dans les sphères institutionnelles, partisanes, syndicales et associatives supposées les combattre.
Le citoyen n’est guère dupe de tout ce manège. Il observe, juge et balaie d’un revers de main les sinistres mauvais acrobates de cet étrange cirque. D’où l’imparable désaffection du politique assez diffuse sous nos cieux depuis quelque temps. Les rangs des partis, des syndicats et des associations sont de plus en plus clairsemés. Contrôlés en partie par des gens scabreux, bien de médias et organes de presse se vident à vue d’œil.
En cette année électorale, la tare se vérifie amplement. On l’a déjà constaté pour les élections législatives et régionales. La maladie des petits chefs empêchera certainement l’émergence d’une pléiade de candidats de valeur pour l’élection présidentielle. Certes, il y aura immanquablement la ronde des petits chefs en quête d’une improbable gloire. Mais la consistance et la qualité des aspirants ne seront pas toujours de mise.
Quelqu’un a dit un jour : “Logique et bon sens : un chef. Bon sens sans logique : un employé. Logique sans bon sens : une catastrophe”. Y’ a pas de quoi faire un dessein. Suivez mon regard.


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