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Une performance qui reste à vérifier : Les recettes du tourisme et les revenus des TRE couvrent-ils réellement 55% des services de la dette?

Par Hassan GHEDIRI

Si la Tunisie parvient encore une fois à honorer ses engagements envers ses créanciers étrangers, c’est uniquement grâce aux revenus du tourisme et des TRE.

 

Selon la Banque centrale de Tunisie (BCT), les recettes touristiques ont affiché une légère hausse au cours du premier trimestre de 2025, estimée à 5%, atteignant 1,3 milliard de dinars (MD), contre 1,2 MD au premier trimestre de 2024.

En même temps, les revenus du travail cumulés, issus principalement des transferts des Tunisiens résidant à l’étranger (TRE), ont progressé de 7,2 %, pour atteindre 1,9 MD entre le 1er janvier et le 31 mars 2025, contre 1,7 MD durant la même période de l’année précédente. Les recettes cumulées générées par le tourisme et les revenus du travail permettent de ce fait à l’État de couvrir environ 55% des services de la dette extérieure, qui avaient avoisiné 6 MD à la fin du mois dernier.

Si la Tunisie parvient encore une fois à honorer ses engagements envers ses créanciers étrangers en respectant les échéances établies, c’est uniquement grâce aux rentrées provenant du tourisme et des TRE. Notre pays réussit ainsi à démentir, temporairement, les pronostics alarmistes et pessimistes sur l’insolvabilité quasi-inévitable pour la Tunisie. Toutefois, cette performance reste éphémère et insuffisante pour garantir une stabilité durable. Elle repose sur des piliers économiques vulnérables, exposés aux moindres secousses géopolitiques, économiques ou sécuritaires.

Vulnérabilités

En effet, tant le tourisme que les transferts de la diaspora sont des sources de financement conjoncturelles et fragiles. Le tourisme, en particulier, demeure extrêmement sensible aux crises régionales, aux événements sécuritaires, aux fluctuations climatiques et aux évolutions géopolitiques mondiales. Quant aux transferts des TRE, ils dépendent en grande partie de la santé économique des pays d’accueil et de la stabilité du système bancaire tunisien.

Face à cette réalité, les experts en finances publiques mettent en garde contre une dépendance excessive à ces flux instables. Ils estiment qu’il est illusoire de fonder la résilience budgétaire d’un État sur des secteurs qui, bien que vitaux à court terme, ne peuvent garantir un développement économique soutenu ni une souveraineté financière à long terme.

Sami Arfaoui, spécialiste en finances, estime que «si la Tunisie a réussi jusqu’ici à préserver une certaine stabilité financière, c’est uniquement parce qu’elle a bénéficié d’un alignement conjoncturel favorable. Mais sans un socle économique solide et réformé, la stabilité ne peut perdurer».

Il appelle à un changement de paradigme et insiste sur la nécessité d’engager immédiatement des réformes structurelles ambitieuses. Parmi les priorités qu’il évoque figurent la révision des politiques sectorielles, notamment dans l’agriculture, secteur stratégique mais délaissé, la modernisation de l’administration publique, la maîtrise des dépenses de fonctionnement et la restructuration des entreprises publiques en déficit chronique.

Sortir de l’incertitude

La Tunisie est à la croisée des chemins. Continuer à gérer les crises au jour le jour ne fera que prolonger l’incertitude et aggraver la vulnérabilité du pays. Les experts s’accordent à dire qu’il faut rompre avec le pilotage à vue et opter pour une stratégie de transformation économique de long terme.

Cela implique non seulement du courage politique mais aussi une mobilisation nationale autour d’un consensus économique fort. Les partenaires sociaux, les institutions financières et les acteurs du secteur privé doivent être impliqués dans une dynamique de réforme collective.

Car, comme le résume Arfaoui, «sans réformes structurelles profondes, il n’y aura ni croissance pérenne, ni justice sociale, ni souveraineté économique. C’est aujourd’hui une condition sine qua non pour garantir à la Tunisie un avenir stable et prospère».

D’autre part, Mohsen Hassan, analyste économique et ancien ministre du Commerce, met en exergue le rôle crucial que jouent aujourd’hui les transferts des Tunisiens résidant à l’étranger dans le soutien des équilibres extérieurs de la Tunisie. Il a souligné que cette source de devises, devenue incontournable, nécessite des politiques volontaristes de la part de l’État afin de la renforcer et de la pérenniser. S’appuyant sur une étude de la Banque mondiale, Hassan a rappelé que les frais de transfert appliqués aux TRE atteignent près de 9% des montants envoyés, un taux jugé excessivement élevé, notamment en comparaison avec les moyennes mondiales. Pour lui, il est impératif que l’autorité publique intervienne pour réduire ces coûts en prenant en charge une partie des frais ou en concluant des accords avec les opérateurs de transfert afin d’uniformiser et plafonner les commissions. De plus, il recommande la création de produits financiers spécifiques à l’épargne des TRE, sécurisés, rentables et orientés vers l’investissement productif, permettant ainsi à cette communauté de contribuer plus efficacement au développement économique national tout en bénéficiant d’avantages tangibles. 

H.G.

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