Par Imen Abderrahmani
Entre gestes et sonorités, ils évoluent sous la blancheur de cet « or blanc » qui a fait couler beaucoup de sang dans les plantations de canne à sucre, pour raconter quelques pages de l’histoire de l’esclavagisme. «Sucre- An ice cream for a nice crime », à la salle le 4ème art, demain, à 21h30.
La douceur du sucre ne peut jamais faire oublier son histoire amère et ces millions d’Africains qui ont été déportés pour travailler dans les sucreries que les puissances coloniales européennes à chercher à les développer dans ses colonisations aux Amériques et dans l’océan Indien. Produit en Asie et importé à petites quantités avec des prix très élevés en Europe, le sucre a été un produit de luxe à tel point que ces pays européens pour répondre à ses besoins ont cherché à tout prix à développer une véritable industrie sucrière comme elle a fait la France aux Antilles.
L’histoire de ce produit, de ce sucre, n’est jamais une histoire heureuse. C’est une histoire faite de larmes, de torture, d’inhumanité…
« Dès le 17e siècle, la production du sucre repose sur le travail esclavagiste dans de grandes exploitations au Brésil, aux Antilles puis dans les îles de l’océan Indien. La recherche de rentabilité, par la massification de la culture de la canne, demande une main-d’œuvre toujours plus considérable. Les puissances coloniales européennes vont la chercher en Afrique. C’est le commerce triangulaire qui, en trois siècle, déporte des millions d'Africains mis en esclavages dans les plantations de canne à sucre, mais aussi de café, de tabac, d'indigo et de coton », lit-on sur le site du Louvre.
Qu’a-t-il changé aujourd’hui ?
C’est dans cette tragédie que le chorégraphe Abdoulaye Trésor Konaté a puisé pour construire son spectacle « Sucre- An ice cream for a nice crime ». Titre provocateur qui explore les paradoxes de l’histoire industrielle du sucre et de l’histoire coloniale.
Entre la douceur du sucre et l’amertume qu’avaientinfligés les Africains dans les plantations de canne à sucre, le spectacle évolue pour raconter l’histoire universelle de l’Homme, de son aliénation et sa lutte acharnée pour l’émancipation.
Le dépeuplement de l’Afrique pour répondre aux besoins accrus des pays européens du sucre semble être un prétexte pour le chorégraphe pour questionner la mémoire et l’avenir, pour s’interroger sur la réalité des relations que lient aujourd’hui les pays africains avec les pays européens. Objet et sujet, le sucre qui évoque la traite négrière de l’époque est aujourd’hui le tabac, le cacao, le café, l’or, les produits minerais, le diamant, le bois… Qu’a-t-il changé aujourd’hui ? Abdoulaye Konaté qui partage la scène avec le comédien Cédric Djedje et le musicien Thibault Cohade soulève la question dans cette œuvre qui met en scène l’histoire coloniale et industrielle du sucre.
L’aspect doux, léger et savoureux du sucre ne peut jamais gommer l’amertume de l’esclavage des femmes et des hommes noirs. Ces sucreries et pâtisseries qui remplissent les étalages et qui sont consommés avec joie et bonheur ne peuvent jamais panser les blessures de ceux dont les ancêtres ont irrigué avec leur sang les plantations de canne à sucre… Le goût doux de ce produit ne peut jamais masquer la morosité et l’acerbité de la réalité…
Le sucre que nous consommons toujours, c’est à ce prix qu’il a été produit. « Sucre- An icecream for nice crime », un spectacle à découvrir le 23 mars, à 21h30, à la salle « Le 4ème art », dans le cadre de la 3ème édition de « Tunis Théâtre du Monde ».
I.A.