contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Rétrospective 2024 : L’année 2024, entre larmes et sourires…

Par Imen ABDERRAHMANI

La scène culturelle et artistique tunisienne a vécu le long de l’année 2024 au rythme d’importants événements. Que reste-t-il? Qu’avons-nous gardé dans nos mémoires et dans les annales? Entre larmes et sourires, s’est écoulée l’année 2024. 

 

Le bilan ne peut qu’être positif, prometteur et optimiste avec tant de prix décrochés ici et là, dans toutes les disciplines artistiques sans exception et également avec l’organisation des Journées théâtrales de Carthage (JTC) et les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), deux évènements majeurs de la scène culturelle tunisienne qui font de la Tunisie une destination de choix pour les passionnés du 4e et du 7e art. 

Les deux rendez-vous qui ont connu l’année dernière des hauts et des bas et même une annulation pour les JCC en solidarité avec le peuple palestinien ont réussi cette année à retrouver leurs places sur la carte des festivals arabes et africains, drainant de nombreux artistes et se proposant une vitrine des meilleurs productions théâtrales et cinématographiques arabes et africaines et également une plateforme pour la promotion du cinéma palestinien.

Tant qu’on parle du 7e art, l’année 2024 a vu la distinction de nombreux films tunisiens à l’étranger, dans des importants festivals d’où «Aïcha» de Mehdi Barsaoui, «Mé El Aïn» de Meryem Joobeur, «Agora» de Ala Eddine Slim et «Les enfants rouges» de Lotfi Achour. Multi-primé lors des JCC 2024, ce film a valu à la Tunisie son 10e Tanit d’or depuis la création de ce rendez-vous cinématographique arabe et africain. 

Parmi également les évènements cinématographiques marquants, le lancement du «CinémaTdour», ce camion ambulant de projection cinématographique, bien équipé et qui propose des projections de films tunisiens, internationaux et des films pour enfants, des séances de débats à la suite des projections ainsi que des workshops et des ateliers pour les enfants et les jeunes, des performances artistiques et des actions de communication offline et online. Le camion qui a commencé sa tournée de Gabès poursuit ses déambulations dans le sud tunisien à la rencontre des Tunisiens là où ils sont.  

Le classement annuel «Les 101 en or» (The Golden 101) des personnalités qui ont marqué le cinéma arabe et qui ont contribué chacun selon sa vision dans le développement de la pratique cinématographique et de l’industrie cinématographique arabe, selon le dernier rapport du Centre du Cinéma Arabe, présenté comme à l’accoutumée, en marge de la 77e édition du Festival de Cannes a comporté sept professionnels du film tunisiens, 3 femmes et 4 hommes. La liste comprend deux producteurs: Habib Attia (producteur, Cinétélefilms), Dorra Bouchoucha (Nomadis Images), le compositeur de musiques de films Amine Bouhafa, la réalisatrice Kaouther Ben Hania, l’actrice Hend Sabry et les deux acteurs Adam Bessa et Majd Mastoura. En plein essor, récoltant les distinctions ici et là, le cinéma tunisien a réussi à faire parler de lui et à être bien présent dans les grands rendez-vous. Avec une bonne moisson de 99 films produits entre 2023 et 2024 et programmés majoritairement lors des JCC 2024, le cinéma tunisien semble trouver sa voie. 

S’agissant du catalogue des grands succès théâtraux, les metteurs en scène tunisiens continuent leur envol, se distinguant par leur savoir-faire artistique et par des approches typiques de la pratique théâtrale. Il faut dire l’événement marquant de la saison demeure l’organisation des JTC. Manifestation qui a réussi à faire de la Tunisie un phare artistique, drainant des figures emblématiques telles que Lemi Ponifasio, Ambroise Mbia, Awatef Naim, Hala Omrane, Salah Al-Kassab, Hassane Kassi Kouyaté, Odile Sankara et Raeda Taha. 

La belle et la grande surprise de la manifestation et également de la saison est le Tanit d’or qu’a remporté la pièce de théâtre tunisien «Toxic Paradise». 

Ces plumes qui se sont distinguées 

Le grand événement est sans doute l’attribution du prix de la littérature  arabe 2024, porté par la Fondation Jean-Luc Lagardère et l’Institut du monde arabe, à l’écrivaine tunisienne Amira Ghenim, pour son roman «Le désastre de la maison des notables», traduit de l’arabe par Souad Labbize et publié aux éditions Philippe Rey (collection Barzakh - Khamsa). 

Plusieurs auteurs et autrices tunisiens et tunisiennes ont réussi cette année à être sur les listes des importants concours arabes et francophones. Nous citons à titre d’exemple Aymen Daboussi avec son «Carnet de Razi», Walid Amri avec ses «Papillons de Lampedusa», Azza Filali avec son roman «Malentendues» qui a décroché le Prix Ivoire pour la Littérature Africaine d’Expression Francophone 2024 et l’écrivain-journaliste Maher Abderrahmane dont le roman «Le colibri et l’acacia» dans sa version espagnole «El colibri y la acacia» a décroché le Prix de la meilleure œuvre arabe traduite en espagnol pour l’année 2023, attribué par l’éditeur espagnol SIAL-Pygmalion.

Pour d’autres belles plumes tunisiennes, l’année 2024 a été celle du couronnement de tout un chemin parcouru dans l’écriture. Parmi ces noms, nous citons Balkis Khlifa, Samy Mokaddem, Wafa Ghorbel, Kalthoum Ayachi, Rayhan Bouzguenda et Emna Rmili. 

L’accueil de l’autrice palestinienne Adania Shibli, qui a été victime d’exclusion, lors de la dernière édition de la Foire du livre de Francfort, en raison de ses origines palestiniennes et de la position du gouvernement allemand vis-à-vis le génocide à Gaza, à la Foire internationale du livre de Tunis (FILT) et au Centre culturel des arts et métiers de Djbel Semmama (Kasserine) a fait vibrer la scène littéraire nationale et arabe.

La consécration du poète et de l’universitaire Fethi Nasri par le Prix Sharjah de la critique de la poésie arabe pour son étude en langue arabe portant sur les autobiographies dans la poésie arabe contemporaine mérite également d’être mentionnée. 

La dernière bonne nouvelle avant que cette année s’écoule a été l’attribution au Pr. Elyès Jouini du Prix littéraire français Maréchal Louis Hubert Lyautey 2024, de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer pour «la réédition des mémoires de Mohamed-Salah Mzali» «Au fil de ma vie» (1972) et son commentaire « Mohamed-Salah Mzali : L’intellectuel et l’homme d’Etat » (2023), informe l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC).

Patrimoine, ambitions et lacunes

Malgré tant de difficultés relatives à la restauration et la sauvegarde de tant de monuments, la Tunisie a réussi à inscrire le «Henné» dans le cadre d’une candidature collective et «Les arts du spectacle des Twayef de Ghbonten», candidature individuelle, sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. 

L’Institut national du patrimoine (INP) a annoncé également le démarrage des préparatifs pour l’inscription du village de Sidi Bou Saïd sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Le dépôt du dossier est prévu pour le mois de février 2025, a précisé la même source.

Parallèlement au lancement des travaux de restauration en urgence de quelques monuments tels que l’aqueduc du Bardo, le coup d’envoi des travaux de restauration, d’aménagement et de réhabilitation du Colisée d’El Jem et ses environs ont été lancés. 

Entre temps, depuis sa nomination en août 2024 en tête du ministère des Affaires culturelles, Amina Srarfi s’active pour résoudre de nombreux dossiers épineux tels que la régularisation de la situation foncière du Palais de Marbre — palais Skanès — (Monastir) et son intégration dans un projet culturel, une fois la restauration achevée. 

Musée à ciel ouvert, la Tunisie continue les travaux de fouilles dans le cadre de plusieurs coopérations. D’ailleurs dans le cadre des fouilles archéologiques tuniso-espagnoles à Henchir El Bagar (Kasserine), les archéologues ont pu identifier le plus grand pressoir romain en Tunisie.

Et en attendant que le ministère des Affaires culturelles puisse trouver des solutions pour la protection de ces innombrables sites archéologiques et pour donner une meilleure visibilité à ses richesses, un arrêté conjoint de la ministre des Affaires culturelles et de la ministre de l’Equipement et de l’Habitat, daté du 18 décembre 2024, portant création d’une zone protégée dans la Médina de Tunis et fixant ses limites, vient d’être publié au Journal Officiel de la République tunisienne (JORT du 19 décembre 2024). Un premier pas pour minimiser les dégâts, en espérant que l’année 2024 soit celle du démarrage de tant de chantiers suspendus et de tant de projets en stand-by tels que la restauration de la maison d’Ibn Khaldoun, les remparts de Kairouan, la mosquée sidi Jmour à Djerba…

Ils nous ont quittés...

Comme elle a été l’année des sourires, des réalisations, l’année 2024 a été l’année de larmes et de deuil. Nombreux sont les artistes qui nous ont quittés, dans tous les domaines, laissant un grand vide et attristant le grand public. Il n’y avait presqu’un mois un triste départ dont le dernier a été Fethi Haddaoui, figure emblématique du théâtre, du cinéma et de la télévision en Tunisie et dans le monde arabe.

Dure année a été 2024 avec le départ de l’intellectuel et animateur des émissions culturelles Fraj Chouchane, le peintre, l’universitaire et le directeur du Festival de la médina de Tunis Zoubeïr Lasram, le peintre des fleurs Lamine Sassi, l’humoriste et l’acteur Mohamed Mourali, l’artiste plasticien Ismail Ben Fredj, l’artiste plasticien Sadok Gmach, le marionnettiste aux doigts d’or Abdelhak Khémir, le sculpteur et l’artiste peintre Abderrzak Fehri, le romancier Abdejabbar El Euch, l’artiste peintre Kamel Mili, le chanteur et poète populaire Belgacem Bouguenna, le comédien Saâdi Zayani, l’historien spécialiste du moyen-âge arabe Habib Jenhani, le musicien, compositeur et flutiste Abdellatif Aydi, le musicien, peintre et compositeur Ouanès Khlijène, le maître de l’accordéon et l’académicien Chafik Gouja, la danseuse populaire, figure emblématique des années 70 et 80 «Aziza», le musicien, calligraphe et compositeur engagé Yasser Jradi, l’acteur Mourad Karrout et l’écrivain, journaliste et critique de cinéma Khémais Khayati.

Que reste-t-il de 2024? Malgré la conjoncture économique difficile, malgré le budget du ministère des Affaires culturelles, encoure au dessous des attentes et des grands chantiers et combats que mène la Tunisie pour également la souveraineté culturelle, malgré tant de tristes et brusques départs, l’espoir est là tant qu’il y a vie sur cette terre, tant que les coquelicots continuent à orner les montagnes de la Tunisie, et les oiseaux à chanter une ode d’amour à ce pays. A cœur vaillant, rien d’impossible comme disait le dicton. 

I.A.

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869