Œuvre rare dont les mystères n’ont pas encore révélés et dont on ne connait pas jusqu’aujourd’hui qui a été derrière sa réalisation et les raisons pour lesquelles, on a opté pour cette technique compliquée, le « Coran bleu » mérite le détour !
Magnifique manuscrit exposé actuellement au Musée national du Bardo et au musée des arts islamiques de Raqqada à Kairouan, au bonheur des visiteurs, il est un vrai joyau calligraphique. Mais saviez-vous ce qui fait l’originalité de ce manuscrit ? Et d’où il tire son appellation ?
Livre tout en beauté avec son format relativement petit (41 x 31cm), le Coran bleu est un manuscrit exceptionnel qui continue à faire tourner les têtes des chercheurs qui n’ont pas jusqu’aujourd’hui trouvé toutes les réponses à leurs questions.
Unique en son genre dans le monde, Ce Coran qui fait la célébrité de Kairouan où il a été trouvé est daté de la fin du IXe siècle ou du début du Xe siècle (4ème de l’Hégire).
Constitué à l’origine de plusieurs volumes, il ne reste aujourd’hui de ce célèbre manuscrit des arts de l’Islam que quelques feuillets exposés dans les musées du Bardo et de Raqqada.
Mais, ce qui fait la célébrité de ce Coran n’est plus son origine kairouanaise ni encore sa taille mais sa couleur bleue. Ce coran doit son nom à sa teinture à l’indigo et sa célébrité à ses lettres dorées.
Bleu comme le ciel, doré comme la lumière…
Le parchemin en vélin est teint à l’indigo d’origine indienne ou égyptienne (jusqu’aujourd’hui personne ne peut trancher sur cette question) avant d’être séché. Une technique connue chez les Omeyyades, les Abbassides et à Byzance. A cette couleur originale et symbolique rappelant le ciel, s’ajoute le texte réalisé en calligraphie coufique angulaire et compacte, utilisée à cette époque spécialement pour les Corans. Mais contrairement à tout ce qui a été rédigé à l’époque, le calligraphe du Coran bleu n’a pas utilisé l’encore noire mais plutôt l’encre dorée pour les versets coraniques et l’argentée pour les rosettes réalisées afin de séparer les versets et marquer le nom des sourates, le nombre des versets et les hizb. Pourquoi ? Qui est-il ? Jusqu’aujourd’hui, les recherches n’ont rien révélées sur son identité et les raisons de ce choix et de sa réalisation ?
Dans une parfaite harmonie, le bleu du feuillet qui symbolise le ciel se marie avec le doré des lettres diffusant une lumière qui représente la parole divine qui éclaire les chemins et guide les destins.
« Les sourates se distinguent par une graphie dépourvue d'indication des voyelles mais comportant certains signes diacritiques. Des césures sont insérées dans les mots pour placer des lettres isolées en début de ligne, créant un effet de colonne. Les sourates débutent par une bande dorée aux motifs floraux, ponctués de rouge et de bleu » précisent de nombreuses études et recherches qui ont été publiées, décrivant dans les détails ce rare manuscrit dont un inventaire des manuscrits de la Grande Mosquée de Kairouan, daté de 1292-1293 (693 de l’Hégire) précise qu’il se divise en sept volumes.
Le manuscrit de toutes les convoitises
Le docteur en archéologie islamique et histoire médiévale musulmane, Mourad Rammah qui a piloté le dossier de classement des médinas de Kairouan et de Sousse au patrimoine mondial de l’Unesco, en 1988, a souligné dans une déclaration à notre consœur Alya Hamza à la Presse, en 2012, que « des feuillets de ce Coran ont été dérobés et mis en vente dans la période de protectorat. Plus tard, au milieu du siècle dernier, il y a eu de nouvelles fuites. Les propriétaires de ces feuillets les remettent de temps en temps sur le marché, ce qui explique ces apparitions qui lui ôtent chaque fois le sommeil. Car chaque fois renaît l’histoire, et la légende des fameux feuillets volés ». Cette déclaration a été faite, lors de la mise en vente d’une page de Coran, par la maison de ventes Christie’s à Londres. Le prix de ce feuillet a été estimé entre 150.000 et 250.000 Livres, soit entre 350.000 et 600.000 dinars. Un grand scandale qui s’est éclaté à l’époque et qui a fait surgir tant d’histoires sur des feuillets volés de ce Coran bleu, au fil des décennies.
D’ailleurs, comment peut-on expliquer ces feuillets du « Coran bleu de Kairouan » qui se trouvent dans les collections privées comme celle de l’Aga Khan ? Ou encore dans les musées tels que le Metropolitan Museum of Art et le Brooklyn Museum de New York, le musée d’Art du comté de Los Angeles, le musée des Beaux-Arts de Boston, la Bibliothèque Chester-Beatty de Dublin, le musée Tareq Rajab au Koweït, le musée du Louvre d’Abu Dhabi, aux Emirats Arabes Unis ? Pourquoi l’Etat tunisien n’a pas cherché à récupérer ces pages qui ont été volées durant la colonisation et de mener son combat pour restituer ces pages de la mémoire comme l’ont fait et le font actuellement de nombreux pays africains ? Une nouvelle énigme qui s’ajoute à tous les mystères du Coran Bleu, non résolus
jusqu’aujourd’hui.
Imen ABDERRAHMANI