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« Silentium » de Nidhal Chatta : Plus qu’un film, un cri …

Par Imen ABDERRAHMANI

Il sortira demain, en salles. « Silentium », le nouveau long-métrage de Nidhal Chatta ne manque ni de poésie ni de douceur malgré la brutalité des histoires qu’il expose. A voir !

 

Après une tournée promotionnelle, le film sera à partir de demain dans nos salles obscures. Une sortie qui porte toutes les ambitions du réalisateur, du producteur et également de toute l’équipe qui a résisté, contre vents et marées, pour pouvoir partager enfin, le film, avec le grand public. 

Choquant pour les âmes sensibles, bouleversant, « Silentium » interroge la société tunisienne, et également l’humanité, en braquant des lumières sur ces récits « malheureux » des femmes tunisiennes de différents âges et de divers profils. 

A quelques kilomètres de la capitale, précisément au Kram, Nidhal Chatta nous mène, dans un immeuble résidentiel, situé en face de la mer. Aux apparences, bel endroit qui promet de voir naître tant de belles histoires… ou le contraire. Délabré de l’intérieur, l’immeuble est sous la surveillance de Mounir, présenté en tant que concierge serviable, bref le maître des lieux et l’intermédiaire entre le propriétaire et les locataires. Des locataires dont le passé comme le présent sont chargés de douleurs et malheurs. Petit à petit, Nidhal Chatta fait découvrir à son spectateur les différents univers dans lesquels évoluent ses personnages. 

Des apparences trompeuses …

D’abord, il s’agit de Malek, jeune et belle archéologue, discrète, qu’on découvre au fil de l’histoire que, enfant, elle a été victime d’un viol  et que son entourage, surtout sa famille, la juge coupable. Traumatisée, elle a pris son courage entre ses mains, essayant de trouver son chemin dans la vie… 

Dans cette galerie de portraits, Nidhal Chatta propose une mosaïque étrange mais aussi audacieuse d’individus marginalisés ou également rejetés par la société tels que Jihen, qui vient du sud, et dont la famille de son bien-aimé la refuse parce qu’elle est une femme de couleur, Mona, jeune femme divorcée avec une fille en charge, qui se trouve dans l’obligation de se prostituer pour pouvoir répondre aux besoins de sa famille, surtout que son ex refuse de payer la pension de divorce. Il y a aussi Fatma, l’épouse de Lotfi, un taxiste violent et soulard et Khaled, un banquier homosexuel qui apporte son soutien à toutes ces femmes-victimes qui partagent avec lui l’immeuble… 

A chacune de ses femmes, à chacun de ses hommes, son histoire, ses secrets que le réalisateur livre à son spectateur au fil d’un récit qui raconte une violence quotidienne, transformant l’immeuble aux apparences poétiques à un lieu horrible, effrayant… Et voilà que le malheur ne vient jamais, seul, comme on dit. On assiste au viol de Malek par Mounir, le concierge, aux apparences calmes, à l’avortement de Jihen, seule dans sa chambre. On est témoin de la souffrance de Fatma, battue jour et nuit… Et pour Nidhal Chatta, et son scénariste, il a fallu briser la chaîne du silence, il a fallu arrêter ces maux et faire taire ces voix qui retentissent non seulement dans cet immeuble délabré mais dans les têtes de tous ses résidents. Il a fallu faire preuve de solidarité et sauver Malek de Mounir, porté par un amour maladif, obsessionnel, il passe son temps à guetter comme un monstre affamé le corps de Malek.

Nidhal Chatta fait tomber les masques. L’apparition de Lotfi Abdelli donne un autre tournant à l’histoire et met en lumières d’autres histoires et pratiques cachées. Discret et silencieux, dans le rôle d’un agent de police, Lotfi Abdelli  a été « l’ange- sauveur » de Malek, qui, suite à l’incitation de ses amis, est allée porter plainte contre son agresseur. Faisant l’objet de moqueries des agents de police, Malek a été violentée verbalement, en lui demandant à plusieurs reprises sur un ton goguenard, de décrire la scène du viol… Sauvée par Lotfi Abdelli en deux temps (du poste de police et après la disparition brusque de Mounir et son doigt coupé retrouvé dans la scène du crime), Malek a trouvé dans la mer, le bon confident, et dans les sites archéologiques, qui font de la résistance, d’où tirer la force et la résilience. 

Le cri …

Bouleversant, « Silentium », tiré d’une histoire vraie qui a eu lieu en 1991, selon les notes de la production et qui a été écrit avec beaucoup de sensibilité par Sophie Haoues, s’interroge sur cette violence qui envahi notre quotidien, sur ces « monstres » déguisés en hommes, qui guettent leurs proies… De l’enfance menacée, nous parle le film à travers le passé de Malek et le présent de Lili, fille de Mona, enfant de divorce qui souffre de la relation toxique entre son père et sa mère… Malgré ces douleurs, ces hurlements qui déchirent le silence du film, malgré ce sang qui coule, et ces regards effrayés de victimes, le film laisse dégager une certaine poésie de quelques scènes comme celles réunissant Malek et Lili sur la plage, ou également de la vue panoramique du toit de l’immeuble, donnant directement sur la plage, ou des déambulations de Malek dans les sites archéologiques de Carthage et d’Oudhna.

Porté par des excellents acteurs : Rym Hayouni (Malek), Mohamed Dahech (Mounir), Abdelomonem Chouayat (Lotfi), Lamine Blekhodja (Khaled), Besma El Euchi (Fatma), Oumaima Bahri (Jihen), Fatma Felhi (Azza) et Lotfi Abdelli, le film mérite l’attention. 

I.A.

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