Par Chokri BACCOUCHE
Pourquoi l’économie tunisienne est en berne et traine le diable par la queue depuis des années sans voir le bout du tunnel? Parce que rien ne marche ou plutôt tout marche de travers. Parce que notre économie subit les effets pervers de la crise économique mondiale. Notre pays est, en effet, pris dans l’engrenage infernal de ce marasme international qui perdure depuis des années, éprouve toutes les peines du monde à s’en sortir. Et puis quoi encore? Parce que nous exportons peu, ou plus exactement de moins en moins, ce qui se traduit forcément par une baisse drastique de nos rentrées en devises, ces précieuses monnaies étrangères qui nous permettent de financer nos importations. Pourquoi les exportations tunisiennes tirent-elles le diable par la queue? Parce que, d’une part, de nombreuses entreprises ont mis la clef sous le paillasson en raison de la crise et, d’autre part, parce que nos businessmen et nos capitaines d’industrie sont frileux à l’idée de partir à la conquête de nouveaux marchés et se contentent de vendre, souvent, à perte leur production, en vrac, sur les marchés traditionnels, comme c’est le cas d’ailleurs pour l’huile d’olive. A quelques très rares exceptions près, nos businessmen manquent terriblement d’audace et d’agressivité et semblent s’accommoder à un mode opératoire devenu obsolète et improductif, particulièrement par ces temps marqués par une vive concurrence à l’échelle internationale.
Et pour couronner le tout, le tissu industriel tunisien, constitué principalement de petites et moyennes entreprises, est actuellement dans une situation le moins qu’on puisse dire déplorable. Il est communément admis que pour se développer et renforcer la capacité de production, il faut investir. Le problème chez nous, un sacré problème qui perdure depuis des années, c’est que l’accès aux financements n’est pas du tout évident pour ne pas dire qu’il relève du parcours du combattant. N’importe quel entrepreneur vous dira d’ailleurs que les banques rechignent à accorder des crédits; une tendance qui semble devenir la règle depuis quelque temps. L’enseignant universitaire en droit bancaire, Mohamed Dhkili, confirme ce que beaucoup considèrent comme une évidence. Il a déclaré, en effet, hier au micro d’une radio de la place que les agences bancaires refusent des demandes de crédits des PME. Un jeune entrepreneur, enthousiaste et bardé de diplômes, a beau avoir un projet porteur et bien ficelé avec un marché probant à la clef, se heurte ainsi à un mur infranchissable et finit forcément par jeter l’éponge. Ils sont des milliers à voir leur rêve s’évaporer et se fracasser ainsi aux pieds d’une dure et amère réalité qui ne répond d’ailleurs à aucune logique recevable et acceptable. Pis encore, c’est le pays qui perd au change, car, qu’on le veuille ou non, ce sont les PME qui constituent en principe l’épine dorsale de n’importe quelle économie qui se respecte, particulièrement dans les pays émergents ou en voie de développement.
Pour créer des emplois et des richesses et ouvrir de nouvelles perspectives à l’économie nationale, il faut nécessairement booster les investissements. Il n’a pas d’autre alternative pour faire redémarrer la machine sur des bases solides et pérennes. Le statu quo actuel est non seulement une perte de temps inutile mais constitue également une insulte au bon sens et à l’intelligence. Il est pour le moins aberrant de continuer à commettre les mêmes erreurs tout en espérant obtenir de meilleurs résultats. C’est la raison pour laquelle il est impératif de changer d’approche et inscrire l’action dans le sens du courant. Pour maximiser ses chances de sortir du mauvais pas, la Tunisie a besoin, aujourd’hui, d’une véritable révolution entrepreneuriale avec une nouvelle mentalité conquérante des acteurs économiques. Dans ce cadre, l’Etat doit trouver le moyen de porter assistance aux bonnes initiatives qui peuvent nous valoir des satisfactions indéniables susceptibles de faire boule de neige et de promouvoir tous azimuts la dynamique économique du pays. La start up InstaDeep, créée par deux jeunes prodiges tunisiens avec un investissement de départ dérisoire de cinq mille dinars, donne à cet effet un exemple frappant et édifiant. Elle a réussi en effet à lever la bagatelle de 100 millions de dollars auprès des plus grands investisseurs du monde. Cette réussite spectaculaire démontre que la Tunisie dispose d’un potentiel humain qui force l’estime et le respect mais qui demeure malheureusement en friche à cause des blocages administratifs ou par manque de moyens. Cette situation anachronique et frustrante doit nécessairement changer. Le plus vite serait d’ailleurs le mieux dans l’intérêt bien compris de l’économie nationale qui tarde à renouer avec la croissance au moment où le pays connaît de grandes difficultés pour combler son déficit budgétaire abyssal…
C.B.