La Tunisie pourrait-elle être à l’abri d’une nouvelle guerre commerciale dévastatrice qui semble se profiler à l’horizon? Peut-on prétendre que le nouveau choc protectionniste de Donald Trump contre le Canada, le Mexique et la Chine n’aura aucun effet sur notre pays, si l’on sait déjà que l’Europe sera prochainement sur la liste? Ce qui est sûr, c’est que les 7 mille kilomètres nous séparant géographiquement du pays de l’Oncle Sam ne pouvaient aucunement nous empêcher de subir des dommages collatéraux. En effet, Trump n’a fait qu’honorer les engagements qu’il a pris devant ses électeurs durant sa campagne électorale qui l’a conduit à la Maison Blanche. En officialisant, samedi, la hausse des droits de douane pour le Canada, le Mexique et la Chine, le président américain met en exécution sa menace de s’en prendre aux trois principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis. Ce retour fracassant de Trump au bureau ovale marquera, ainsi, le début d’une guerre commerciale inédite qui va apparemment chambouler tous les équilibres, déjà précaires, de l’économie mondiale. Après avoir mis en application sa menace d’imposer des droits de douane de 25 % sur les importations en provenance du Canada et du Mexique, et des taxes additionnelles de 10 % contre la Chine, il prépare son offensive contre l’Union européenne. Une hausse prochaine des tarifs douaniers sur les produits européens ne manquera pas d’affecter l’économie tunisienne, dont une part importante du commerce et de l’industrie est étroitement liée à l’Europe.
La Tunisie est profondément intégrée au marché européen, et ce, parce que l’Union européenne continue à être son premier partenaire économique qui absorbe près de 70 % de ses exportations et fournissant environ 50 % de ses importations. Toute éventuelle barrière protectionniste imposée par les États-Unis sur les produits européens risque donc d’avoir un effet domino et affecter directement les échanges commerciaux tunisiens de diverses manières.
Une taxation supplémentaire des exportations européennes par les États-Unis affaiblira la compétitivité des industries exportatrices de l’UE, ce qui risque de réduire leur demande des matières premières et des composants, dont certains sont fournis par la Tunisie.
Des secteurs comme l’automobile, l’aéronautique et le textile, dans lesquels la Tunisie se positionne comme étant l’un des fournisseurs essentiels, seront directement touchés. La riposte européenne au protectionnisme commercial étasunien devrait entrainer, à son tour, une certaine instabilité des marchés et provoquer une contraction économique dans la zone euro. Un ralentissement de la croissance européenne ne manquera pas de se répercuter immédiatement sur la demande en biens tunisiens, affectant le tissu industriel et menaçant des milliers d’emplois.
Un autre risque majeur concerne la hausse des prix des biens importés d’Europe vers la Tunisie. Si les entreprises européennes doivent absorber les nouvelles taxes américaines, elles chercheront à compenser leurs pertes en augmentant leurs prix sur d’autres marchés, y compris la Tunisie. Une telle situation entraînerait une inflation importée en Tunisie, notamment sur des biens de consommation courante, des équipements industriels et des matières premières nécessaires aux entreprises locales.
Cette inflation aggraverait une situation économique déjà fragile. La Tunisie souffre d’un taux d’inflation élevé et d’une pression sur sa monnaie, le dinar. Toute hausse des coûts d’importation pèserait encore plus sur le pouvoir d’achat des Tunisiens et compliquerait la relance industrielle.
Face à cette menace protectionniste, la Tunisie ne peut se permettre d’être un spectateur passif. Il devient urgent d’accélérer la diversification des partenariats commerciaux pour réduire la dépendance excessive à l’Europe. L’Afrique subsaharienne, les pays du Golfe et l’Asie émergente représentent des marchés potentiels pour compenser une baisse des échanges avec l’UE.
Par ailleurs, le pays doit renforcer sa compétitivité interne en améliorant son climat des affaires, en investissant dans l’innovation et en soutenant les entreprises locales pour qu’elles puissent mieux résister aux turbulences internationales. Une modernisation du secteur industriel et agricole pourrait également permettre de substituer certaines importations coûteuses par des productions locales.
Le retour de Donald Trump et sa guerre commerciale contre l’Europe illustrent les risques d’un monde de plus en plus fragmenté économiquement. Si la Tunisie ne sera pas directement visée par ces mesures protectionnistes, elle en subira néanmoins les effets collatéraux. Pour éviter un choc économique, elle doit anticiper ces changements, diversifier ses partenaires et améliorer sa résilience. L’heure n’est plus à la dépendance, mais à l’adaptation proactive.
H. G.