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Dans nos salles de ciné : « La maison dorée » de Salma Baccar : A chacun son combat mais la Tunisie pour tous

Par Imen Abderrahmani

 

Que reste-t-il du sit-in « errahil » en 2013 ? Comment raconter cette période colossale dans l’histoire de la Tunisie et des Tunisiens ? Deux questions qui semblent être derrière la genèse de « La Maison dorée » de Salma Baccar, actuellement en salles.

 

Co-signé avec l’autrice Emna Rmili, le film focalise sur trois personnages féminins, de différents milieux et de différentes trajectoires, qui se rencontrent par un simple hasard dans un vieil hôtel du centre-ville. A chacune d’elle son histoire, sa déception, ses maux…

Il y a Jalila (Rym Riahi), sexagénaire, intellectuelle, militante féministe de gauche, maman d’une jeune fille qui étudie à l’étranger, qui a fui son mari « Taoufik » (Khaled Houissa), son partenaire dans l’imprimerie, un coureur de jupons dont les convictions changent autant que changent les intérêts. Elle arrive à « La maison dorée » que dirige Josette, depuis des longues années, témoin également sur quelques épisodes du parcours militant de Jalila quand elle a été étudiante, pour réfléchir tranquillement, loin de toute pression, à sa relation avec Taoufik.

Le 2ème personnage est « Salwa » (Amira Derwich), belle femme, trentenaire qui fait tourner les têtes, et qui vient en état de détresse pour qu’on découvre par la suite que suite à un échec amoureux, elle s’est lancée dans la prostitution avec une seule idée dans la tête se venger de tous les hommes après que l’un de ses clients qu’elle aimait l’a contaminé exprès par le VIH. 

Quant au 3ème personnage est celui d’Aroua (Ranim Allouani). Etudiante à la faculté des sciences sociales 9 avril, elle tente de fuir Aymen qu’elle a épousé « orfi », illégalement, et qui tente de l’abuser, par une vidéo tournée lors de la nuit des noces, pour la ramener avec lui en Libye ou en Syrie pour rejoindre les rangs des islamistes.

Ces trois femmes en détresse se croisent dans la grande salle de « La maison dorée ». Au fil des discussions, les secrets sont révélés. La main dans la main, avec le soutien de Josette et El Fahem qui travaille à l’hôtel, Aroua a été sauvée de son agresseur. Salwa sombre de plus en plus dans la dépression et Jalila tente de remettre sur les rails sa vie de militante et d’intellectuelle… Trois chemins qui se croisent, les trois femmes commencent à voir clairement les choses jusqu’au jour de l’assassinat de Mohamed Brahmi, un vrai tournant dans le vécu de ce trio féminin et du film de Salma Baccar qui a choisi de faire sortir ces héroïnes de l’hôtel avec comme nouvelle destination « Ennafoura » (La fontaine).

Deux histoires en un film

Nous sommes en 2013, en été, en pleine effervescence politique. Le sit-in « Errahil » au Bardo, qui s’est déclenché après l’assassinat  du député et de l’homme politique de gauche Mohamed Brahmi, continue à drainer les Tunisiens et a pesé lourdement sur le gouvernement en place. Rien ne semble pouvoir dégager les sit-inneurs qui ont choisi de rompre leur jeûne, à ce lieu  emblématique, à quelques mètres de l’Assemblée nationale constituante et de se réunir à la place « Ennafoura » qui a été auparavant une belle fontaine.  Salma Baccar, choisissant d’être tantôt devant la caméra et tantôt d’autres derrière, raconte ce qui s’est passé à cette période et tente de documenter les ambiances telle qu’elle les a vécues. Restituant quelques scènes des évènements marquants, plongeant ses actrices dans les ambiances du sit-in, recourant également aux archives, Salma Baccar, entre les discours direct et indirect a livré sa propre version de cette page de l’histoire de la Tunisie, laissant parfois le spectateur perplexe.

Témoin des évènements, Salma Baccar n’a pas hésité à reconstruire le décor, rendant hommage à de nombreux de ses compagnons de route tels que Mongi Rahoui, Mourad Amdouni, Ali Bennour, Fadhel Moussa et d’autres et invitant ses collègues à jouer le jeu. Parmi lesquelles, nous citons : Fatma Ben Saïdane, Samia Rehaïem, Brahim Letaïef…

A la croisée des genres, entre la fiction et le documentaire, le collectif et l’individuel, « La maison dorée » de Salma Baccar s’inscrit dans la continuité avec les précédents films de la réalisatrice et reste fidèle à un thème qui lui est cher : la liberté de la femme. D’où la clôture du film sur une scène de trois héroïnes, libérées enfin de leurs peurs et de leurs soucis, avec la mer comme horizon. La scène est bien complétée et sublimée par une belle interprétation de Lobna Nooman du poème de Sghaïer Ouled Ahmed « Nissaou Biladi » avec une musique recherchée signée par Rabi Zammouri.  A découvrir!

 

 

I.A.

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