Par Hassan GHEDIRI
Chaleureusement accueilli dans un temps printanier, Ramadan a vite déployé ses odeurs et ses senteurs dans les commerces qui ont connu, hier, une affluence exceptionnelle…
Plusieurs études comportementales montrent que le beau temps influe généralement notre envie de consommer et d’acheter et à tendance à augmenter le chiffre d’affaires des commerçants. C’est une théorie qui doit certainement intéresser les spécialistes du marketing, mais pour la majorité des Tunisiens, ce n’est pas uniquement la météo qui peut faire la pluie et le beau temps des ventes. L’avènement du mois du jeûne reste, incontestablement, un moment unique pendant lequel une véritable fièvre acheteuse s’empare de tous les ménages. A voir les marchés et les grandes surfaces se faire prendre d’assaut par les foules, hier, depuis les premières heures de la journée, l’on peut dire que les vieilles mauvaises habitudes de consommation chez la plupart de nos citoyens ont la peau dure. Car ni le renchérissement des prix ni la détérioration du pouvoir d’achat ne semble décourager beaucoup d’entre eux à rationaliser leurs dépenses.
Les salaires de févier fraîchement versés semblent par ailleurs offrir l’ultime alibi pour dépenser sans compter. Les principales rues commerçantes de Tunis, grouillant de monde, se sont petit à petit rendues impénétrables pour les automobiles. Cela fait plusieurs jours en effet que l’activité commerciale bat son plein dans les environs proches du marché central. Après les provisions faites dans les dizaines de boutiques d’épices et autres magasins vendant les articles et équipements de cuisine, le cap est désormais mis sur les rayons de fruits, légumes, viandes et poissons. Très nombreux ont été les mères et les pères de familles qui se sont afflués, hier au marché central de la capitale pour faire les dernières emplettes indispensables pour garnir la table de l’iftar au premier jour du mois saint. Il faut dire que sur les étales colorés des fruits frais, secs et des poissons, il y avait l’embarras de choix. Côté prix, l’offre n’est cependant pas adaptée au goût ni à la poche de tout le monde. Les étals débordent de produits variés, mais derrière cette effervescence apparente se cache la réalité d’une inflation galopante et un pouvoir d’achat en berne qui pèsent lourdement sur beaucoup de familles tunisiennes.
Un temps révolu
Richement garnis et soigneusement organisés, les pavions du marché offrent un spectacle attrayant. Reine indétrônable, les dattes, incontournables pour la rupture du jeûne, trônent fièrement à l’entrée du grand espace dédié aux fruits et légumes. Se déclinant en plusieurs variétés, les dattes s’offrent à partir de 7 dinars pour une qualité très moyenne jusqu’à plus de 13 dinars le kilo par la qualité présumée «supérieure». Du côté des fruits et légumes, les tomates, les poivrons et pommes de terres sont disposés en pyramides parfaites. Les prix, cependant, font grimacer les acheteurs. «Malheureusement, le temps où, l’on remplissait son panier sans trop réfléchir est révolu! Maintenant, il calcule chaque dinar», regrette Samira, mère de famille de trois enfants, tout en examinant les piments doux proposés à 5d200 «Je dois faire des choix : soit je prends moins de légumes, soit je renonce à autre chose», dit-elle.
Toujours animé, le pavillon des poissons est plein à craquer. Les étals regorgent de dorades, de loups de mer de semi élevage, des crevettes et des sardines qui brillent sous la lumière blanche des ampoules. Les étales attirent les regards, mais les prix découragent de nombreux clients à mettre la main à la poche. Certains vendeurs, conscients de la situation, préfèrent vendre des espèces plus abordables, comme les maquereaux ou les sardines. «On essaie de s’adapter», explique un poissonnier, Mais même comme ça, les gens hésitent.
Malgré les défis, l’esprit de Ramadan persiste. Les sourires et les échanges chaleureux entre clients et marchands rappellent que ce mois sacré est avant tout une période de partage et d’entraide. «C’est dur, mais on fait avec», résume Leila, une jeune mère qui tire son chariot de course rempli de légumes et de quelques dattes…
H.G.