Par Chokri BACCOUCHE
Oh la vache! Les terres rares ukrainiennes font l’objet d’une sacrée convoitise de la part aussi bien des Etats-Unis que des pays de l’Union européenne, les deux alliés qui ont soutenu l’effort de guerre de Kiev dans sa confrontation militaire avec la Russie. La méthode des premiers est quelque peu brutale dans la mesure où le président américain Donald Trump a exigé des compensations immédiates pour l’aide fournie par son pays à l’Ukraine depuis le début du conflit qui atteint le chiffre astronomique de 500 milliards de dollars. Moins agressive certes, l’approche adoptée par les Européens qui ne veulent pas demeurer également en reste, est plus «soft» mais verse dans le même réceptacle. Un petit éclairage géologique s’impose d’abord pour être au fait de quoi il s’en retourne au juste : Les «terres rares» sont un terme collectif désignant 17 éléments chimiquement similaires qui sont largement utilisés dans la technologie et l’industrie modernes. Ces éléments sont essentiels à la production d’un tas de produits couramment utilisés de nos jours tels que les Smartphones, les ordinateurs, les équipements médicaux ou militaires. Ils comprennent des minéraux dits rares parce que difficiles de les trouver à l’état pur dont notamment le scandium, le l’yttrium, le cérium, le nickel, le cobalt… Ces minéraux qui aiguisent bien des appétits sont au cœur d’un enjeu majeur comme on peut l’imaginer, au double plan économique et stratégique et c’est ce qui fait courir justement les uns et les autres.
Dans cette ruée sans précédent vers les minéraux précieux, Volodymyr Zelensky qui n’a pas fini ces derniers temps de connaître des déboires, s’est retrouvé dans une situation peu amène qui ressemble à s’y méprendre à celle d’un coq qu’on déplume. Après avoir rejeté une précédente proposition, le président ukrainien a fini d’ailleurs par céder aux exigences de Donald Trump. Acculé par une situation militaire incertaine et confronté à une volte-face diplomatique de la part de Washington, Zelensky devait se rendre hier aux États-Unis pour signer cet accord qui va ouvrir l’exploitation des ressources naturelles de son pays aux entreprises américaines. Le président américain qui agit comme un suzerain a donc fini par avoir gain de cause en obligeant son homologue ukrainien à ployer le genou. Grâce à ce deal obtenu sous la contrainte, il fait main basse sur des minerais très précieux qui vont lui permettre d’étoffer son jeu dans la partie géopolitique majeure face à son principal adversaire : la Chine. Dans la lutte planétaire pour le leadership que se livrent Washington et Pékin, la course vers ce nouvel «or noir» est une priorité. C’est pour cette même raison d’ailleurs que les Etats-Unis souhaitent mettre la main sur le Groenland, l’immense île de l’Arctique, aujourd’hui sous souveraineté du Danemark, qui regorgerait également de grandes réserves de minerais rares.
Et comme un malheur n’arrive jamais seul pour Zelensky, voilà que l’Europe cherche elle aussi à récupérer son du par terres rares ukrainiennes interposées. Le commissaire à la stratégie industrielle de l’UE, Stéphane Séjourné a évoqué, en effet, lors d’une session de travail entre les commissaires européens et le gouvernement ukrainien, lundi dernier, des discussions avec Kiev sur des «matériaux critiques». «21 des 30 matériaux critiques dont l’Europe a besoin peuvent être fournis par l’Ukraine dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant», a expliqué l’ex-ministre français dont les déclarations reflètent en réalité la volonté de l’Union européenne de sécuriser son accès aux terres rares.
Ces marchandages politico-commerciaux, assez choquants il faut l’avouer dans le contexte actuel, démontrent de manière on ne peut plus évidente que les alliances sont non seulement des foutaises mais peuvent être assimilés également à un vulgaire bulletin météorologique : un jour il fait beau avec un soleil radieux, des accolades serrées et demain, il se pourrait qu’un orage éclate voire une bourrasque qui remettra tout en question, pour une raison ou une autre, sans crier gare. La nature tout comme l’humeur des bipèdes sont versatiles. Seuls les intérêts comptent en définitive et régissent durablement les relations entre peuples et nations. Pour son grand malheur, le président ukrainien n’a pas réussi à décoder les véritables tenants et les aboutissants de cette effroyable guerre aux relents géopolitiques évidents. Une guerre atroce qui aurait pu, pourtant, être évitée avec un minimum de sagesse, de discernement et de pragmatisme politique. Quel gâchis!...
C.B.