Par Imen Abderrahmani
Psychiatre, militant anticoloniste, Frantz Fanon sera célébré, à l’occasion du centenaire de sa naissance (1925), en Tunisie à travers une série d’évènements à la fois scientifique, académique et artistique cinématographique.
Il a marqué le continent africain par son combat pour l’indépendance de l’Algérie, un pays où il a exercé pendant des années, Frantz Fanon a aussi passé une partie de sa vie en Tunisie. Militant anticoloniste, essayiste, psychiatre, Frantz Fanon a été révolutionnaire dans sa pratique de la psychothérapie comme dans son approche socio-culturelle.
Martiniquais de naissance, en débarquant en Algérie où il a exercé à l'hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, il a tenté de décolonisé les esprits et à faire face à tant de pratiques médicales pratiquées par ses confrères français… Icône des mouvements révolutionnaires des années 1960-1970, Frantz Fanon se positionne au cœur des études postcoloniales. Médecin révolté, il a mené des combats scientifiques médicales, politiques et socioculturels, avec l’espoir de changer les esprits et guérir les âmes tourmentées et racistes.
Ce parcours exceptionnel de ce médecin et militant sera célébré à travers à travers un colloque international qu’accueillera la Faculté de médecine Ibn El Jazzar-Sousse et ce les 21 et 22 février 2025. Organisé par le Border Studies Research Group, cette « rencontre pluridisciplinaire explore l’héritage de la pensée fanonienne en Tunisie et en Afrique du Nord. Psychiatre, écrivain et militant, Fanon a marqué les sciences humaines et la médecine par ses réflexions sur la décolonisation et les oppressions postcoloniales », lit-on sur la feuille de présentation de ce colloque qui focalisera sur trois importantes étapes de la vie intellectuelle et militante de Fanon en Afrique du Nord. Toujours selon les notes de présentation de ce colloque qui verra la participation des spécialistes de différents horizons, ces trois étapes se répartissent ainsi : du 1951-1953 (France) qui constitue l’étape de la découverte des réalités des travailleurs maghrébins et la prise de conscience de leur situation. Elle se caractérise par la rencontre avec François Tosquelles et la rédaction de « Peau noire, masques blancs ». La 2ème est celle de son séjour algérien entre 1953 et 1957 où il a dirigé le service psychiatrique de l’hôpital de Blida-Joinville et où Frantz Fanon s’est penché sur l’analyse des effets psychologiques de la colonisation et son engagement auprès des militants de la libération. La 3ème et dernière étape est celle de son débarquement en Tunisie, entre 1957 et 1961. Lors de ces quatre ans passés en Tunisie, ce médecin-militant a créé le centre psychiatrique de jour à l’hôpital Charles Nicolle. Il a été également enseignement à l’Université de Tunis, partageant ses connaissances avec les jeunes
Etudiants tunisiens dans la Tunisie postcoloniale. Lors de ce séjour tunisien, Franz Fanon a rédigé « Les Damnés de la terre » qui a été publié quelques jours avant sa mort aux Éditions Maspero en 1961 et traduit en 15 langues. Cet essai analytique se penche sur le colonialisme, l’aliénation du colonisé et les guerres de libération et il est préfacé par Jean-Paul Sartre (1961).
Frantz Fanon, le film
Le colloque apportera des éclairages sur « les apports intellectuels et méthodologiques de Fanon, tout en abordant les séquelles psychologiques, politiques et sociales de la domination coloniale et postcoloniale, ainsi que l’actualité des mécanismes de contrôle de la mobilité et de l’exclusion ». Outre les communications quotidiennes et les débats, le colloque propose la projection du long-métrage de fiction « Frantz Fanon » de Abdennour Zahzah (Algérie). Projeté lors de l’édition 2024 des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), dans la compétition officielle, ce film sera également projeté, aujourd’hui, le 19 février à 18h00, à la salle « Le Rio » en présence de son réalisateur.
Le film qui sortira également dans les salles de cinéma tunisiennes, à l’initiative de Hakka Distribution, raconte les années algériennes de Frantz Fanon, jeune psychiatre français noir, qui a débarqué en 1953 en Algérie colonisée. Nommé médecin-chef de l’hôpital de Blida-Joinville, faisant au début l’objet des moqueries de ses confrères médecins français qui trouvaient son approche « bizarre », Frantz Fanon a tenté de changer la situation, en explorant la vie et les envies de ses patients et ses patientes et en s’opposant à de nombreuses pratiques raciales telles que cette ségrégation entre les patients « français » ou européens, et les patients « algériens », « musulmans »…
Toujours dans le cadre de la célébration de la mémoire de Frantz Fanon, et du Centenaire de sa naissance, l’association Echos Cinématographiques organisera le 20 février, à partir de 14h00, à la salle « Le 4ème art » (bibliothèque Bechir Ben Slama), une rencontre intitulée « Entre histoire et cinéma », réunissant le cinéaste algérien Abdenour Zahzah, réalisateur du long-métrage documentaire « Frantz Fanon » (2024), et l’historienne Kmar Bendana.
Professeure d’histoire contemporaine à l’Université de La Manouba à Tunis qui a publié des travaux sur Frantz Fanon, notamment un article intitulé « Sur les traces de Frantz Fanon à Tunis », Kmar Bendana explorera avec le réalisateur algérien les raisons pour lesquelles ce film a été tourné et tentera de saisir les résonnances actuelles de la vie et de l’œuvre de ce médecin révolutionnaire.
Il est à noter que Frantz Fanon, décédé en 1961 à Bethesda, dans un hôpital militaire de la banlieue de Washington aux États-Unis, a été enterré, selon ses vœux, en Algérie. Son corps est transféré à Tunis, et puis transporté par une délégation du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) à la frontière. Il est inhumé au cimetière Aïn Kerma (El Tarf- Algérie).
I.A.