Par Chokri BACCOUCHE
Décidément, Donald Trump aime jouer avec les nerfs des partenaires commerciaux des Etats-Unis. Après avoir bouleversé l’ordre économique mondial sous prétexte de protéger les consommateurs américains et l’industrie de son pays, le président américain a opéré en effet un coup de théâtre inespéré, mercredi soir, en suspendant pour 90 jours les surtaxes entrées en application quelques heures plus tôt à l’encontre d’une soixantaine de pays à l’exception de la Chine. Les droits de douane imposés aux produits chinois ont été même relevés par le locataire de la Maison Blanche à 125% contre 104% la veille, de quoi donner un coup de fouet à la guerre commerciale qui fait rage depuis quelque temps entre les deux superpuissances. Pourquoi Donald Trump a-t-il fait volte face et viré de bord après avoir ébranlé les marchés et mis sens dessus-dessous le monde des affaires? S’agit-il d’un revirement improvisé pour prémunir l’économie américaine des effets pervers de cette surtaxation douanière, une stratégie calculée ou un simple réflexe de survie politique à l’approche des élections de mi-mandat? Le président américain justifie ce changement de cap par le fait qu’il fallait «être flexible». Il a aussi indiqué que cette pause fait suite à «l’appel du cœur» lancé par plus de 75 pays qui ont exprimé leur «volonté de négocier» sur une partie des droits de douane réciproques. Certains de ses proches ont même tenté d’expliquer qu’il s’agissait du plan qu’il avait prévu initialement dont l’objectif principal visait à isoler la Chine, considérée par Washington comme la plus grande menace pour le leadership américain dans le monde.
On imagine mal que Donald Trump, un dirigeant égocentrique et très peu porté sur les appels du cœur comme l’atteste d’ailleurs sa position inique et complice concernant la tragédie palestinienne dans les territoires occupés, ait décidé de suspendre son offensive protectionniste pour les motifs évoqués. Un retour à la réalité semble être en effet la véritable raison qui a poussé le président américain à faire marche arrière. Dans les faits, la décision de surtaxer les droits douaniers a non seulement désemparé les marchés boursiers mais également généré une hausse très importante du taux d’intérêts sur les obligations américaines. Pis encore, elle a fait planer ces derniers jours le spectre d’une sévère récession avec une augmentation sensible de l’inflation dans un pays où le coût de la vie atteint déjà des sommets et où le chômage augmente considérablement.
A cela s’ajoute la défiance croissante des Américains envers leur imprévisible président, comme le confirment les derniers sondages. Les manifestations qui ont eu lieu ces derniers jours dans de nombreuses villes américaines sont d’ailleurs un signe qui ne trompe pas sur le mécontentement des citoyens américains qui redoutent de devoir subir les dommages collatéraux de cette guerre commerciale planétaire. Donald Trump a tenu, de toute évidence, à ménager cet électorat de peur de perdre les élections de mi-mandat.
Une trêve de 90 jours a été décrétée donc mais la situation reste incertaine et le suspense garde toute son intensité. D’ici la fin de cet intermède, beaucoup de choses pourraient changer dans le bon comme dans le mauvais sens. Tout dépend en fait de l’issue des négociations qui vont avoir lieu entre les dirigeants américains et leurs homologues des autres pays. Ce qui est sûr en revanche, c’est que ces tractations s’annoncent âpres et dures dans la mesure où les Américains seront logiquement tentés de faire le moins de concessions possibles afin de préserver leurs intérêts et redresser la barre de leur économie qui accuse actuellement un déficit abyssal.
Le revirement de Donald Trump va laisser, en tout état de cause, des séquelles irréversibles sur le climat des affaires entre le pays de l’oncle Sam et le reste du monde, et pour cause ! De nombreux observateurs avertis s’accordent en effet à penser que la confiance est brisée vis-à-vis des Etats-Unis, et ce, quelle que soit l’issue des négociations qui vont avoir lieu dans les mois à venir. La stratégie assez vicieuse de Trump, prétendument prévue depuis longtemps, a rendu en effet l’Amérique moins sûre comme par le passé aux yeux des chefs d’entreprise et des investisseurs. Comme quoi l’ordre irréfléchi et le contre-ordre qui s’en suit illico donnent inévitablement le… désordre. Une sorte d’un douloureux retour de manivelle ou un mouvement de boomerang qui revient à la face de l’envoyeur. En voulant jouer au plus malin, comme diraient les mauvaises langues, Trump s’est en fait mis à dos bon nombre de partenaires commerciaux de son pays qui sont déjà à pied d’œuvre pour mettre au point de nouvelles stratégies et sceller de nouvelles alliances afin de prémunir leurs économies contre les sautes d’humeur du président américain.
Tout ceci sur fond d’une guerre commerciale ouvertement déclarée entre les Etats-Unis et la Chine et dont les dégâts pourraient se répercuter aux quatre coins de la planète. Après un séisme de forte magnitude, on le sait, il faut toujours redouter la lame de fond d’un tsunami potentiellement dévastateur…
C.B.