Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Alors que le débat autour de la consommation des stupéfiants est toujours d’actualité en Tunisie, une proposition de loi vient d’être déposée près de la Commission de la législation au sein de l’ARP. Quelles sont les nouvelles dispositions de cette réforme?
Déposée en février par quinze députés, cette proposition comprend 17 articles dont la révision du fameux article 4 de la loi 52 qui prévoit une peine de prison de un à cinq ans. Les députés proposent de supprimer cette disposition. Le juge pourrait alors choisir entre une peine de prison ou une simple amende. L’objectif est de mieux adapter la sanction à chaque situation. Selon, en effet, une étude menée par l’Organisation Human RightsWatch: «Depuis près d’un quart de siècle, les lois sur les stupéfiants en Tunisie ont imposé de longues peines de prison pour des délits liés à la consommation ou possession de drogue, ce qui a eu pour résultat d’augmenter le nombre de détenus au sein des prisons tunisiennes. Les longues peines de prison sont cruelles, disproportionnées et contre-productives pour les usagers de stupéfiants à des fins récréatives. Les personnes condamnées pour usage ou possession de stupéfiants sortent de prison avec un casier judiciaire qui les empêche souvent d’obtenir un emploi et les expose à la stigmatisation sociale».
Les chiffres, qui datant de l’année 2015, indiquent que 7.451 personnes ont fait l’objet de poursuites pour des infractions liées à la drogue dont 7 306 hommes et 145 femmes, selon l’Administration générale des prisons et de la réhabilitation du ministère de la Justice. Environ 70% de ces personnes – soit environ 5.200 personnes – ont été reconnues coupables d’utilisation ou de possession de cannabis, connu en Tunisie sous le nom de «zatla». Les infractions relatives aux drogues représentaient 28% de la population carcérale totale de l’Etat. Et les drames liés à ces délits en disent long sur les effets de ces condamnations sur les consommateurs de stupéfiants, notamment les jeunes.
Quand des vies partent en fumée à cause d’un joint …
En 2021, une affaire avait suscité un tollé en Tunisie. Trois jeunes, approchant la trentaine, ont été condamnés à trente ans de prison pour avoir consommé du cannabis par le tribunal de première instance du Kef, dans le nord du pays. Par ce jugement, «le tribunal a appliqué la loi à la lettre», s’est désolée à l’époque Amna Guellali, directrice pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient d’Amnesty International, en faisant référence à la loi 52, particulièrement répressive. L’affaire de la jeune Amina est toujours d’actualité, également. La jeune fille a été condamnée à 1 an de prison pour avoir été analysée positive lors d’un contrôle policier. Selon son avocat, la vie de cette jeune fille a été brisée pour avoir fumée un «simple joint». Depuis, des activistes se mobilisent pour réformer cette loi 52 qui apporte un lourd tribut pour des milliers de jeunes Tunisiens qui prennent du cannabis et autres drogues récréatives – même si c’est pour la première fois. Pour Farhat Othman, un ancien diplomate tunisien et chercheur en sociologie: «La Loi est une tragédie quotidienne que de nombreux jeunes tunisiens ont à traverser. Cette loi devrait être abolie, comme il criminalise les jeunes qui sont victimes des «vrais délinquants », à savoir les trafiquants de drogue».
De fait, les activistes appellent à lutter contre les trafiquants au lieu de ruiner les vies des victimes d’autant que selon les statistiques de l’Institut national de la santé 7% des enfants tunisiens ont consommé de la drogue et 10% d’entre eux ont consommé la première prise avant leurs 13 ans, en 2022. L’accès est facile si bien que 16,3% des élèves estiment que l’achat des drogues est simple. 5,2% des enfants tunisiens ont «sniffé» du benzène ou de la colle.
M.B.S.M.