Par Chokri Baccouche
L’eurodéputée Rima Hassan est un sacré bout de femme au courage massif et au verbe sincère. Née dans un camp de réfugiés palestiniens en Syrie, cette militante de La France Insoumise, le parti politique de Jean Luc Mélenchon, est toujours droit dans ses bottes surtout quand il s’agit de dire la vérité, sans ambages ni fioriture quitte à mettre dans l’embarras ceux qui n’apprécient pas ses sorties tonitruantes. Et ils sont nombreux. Il n’y a que la vérité qui blesse dit-on, mais par les temps qui courent la vérité conduit son auteur droit vers l’échafaud sans aucune forme de procès. Il est traité en effet comme un paria et mis au banc du système sans ménagement. Et à ce titre, on peut dire que la brave Rima Hassan est dans la ligne de mire de ses pairs qui mènent à son encontre, ces derniers temps, une campagne de dénigrement sans précédent dans le but avoué de la vouer aux gémonies et l’opprobre sous des prétextes moralement inacceptables et politiquement incorrectes et très discutables. Près d’une centaine de sénateurs français ont enjoint, en effet, la présidente du Parlement européen Roberta Metsola à lever l’immunité parlementaire de Rima Hassan. Pour quel motif? Parce qu’elle a légitimé l’action du mouvement de résistance palestinien Hamas qu’elle a justifié, à raison, comme «une lutte armée dans un contexte de colonisation». Ses propos qui puisent pourtant leur force et leur légitimité de la charte de l’Organisation onusienne, ont provoqué un véritable tollé dans l’Hexagone politique et judiciaire. L’affaire a pris une ampleur telle que le ministre français de l’Intérieur a annoncé saisir le procureur de la République de Paris, par le biais de l’article 40 du Code de procédure pénale, au motif que les propos « proprement inacceptables » de Rima Hassan relèvent selon lui de « l’apologie du terrorisme ».
Pis encore, l’eurodéputée Marion Maréchal, la petite fille de Jean Marie Lepen le fondateur du Front National, le parti d’extrême droite, y a rajouté son petit grain de zèle en demandant la déchéance de nationalité de Rima Hassan. Et ce n’est pas tout : même le très controversé président de l’association des musulmans de Drancy, l’imam Chalghoumi, le gars qui avait déclaré y’ a pas longtemps que les fidèles devaient désormais dire «France Akhbar» au lieu du rituel «Allahou akhbar» ou «Dieu est Grand», s’est mis lui aussi de la partie. Au micro de Radio J, mercredi dernier, l’homme a, en effet, réclamé des sanctions sévères contre Rima Hassan, demandant qu’on «lui enlève la nationalité pour servir d’exemple».
Il est navrant de constater qu’au pays de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les peuples qui luttent pour leur survie et cherchent à briser les chaînes de la servitude, de l’oppression et du fascisme le plus abject, sont assimilés par une certaine classe politique à des terroristes. Rima Hassan qui s’est attiré injustement les foudres des élus français n’a fait, pourtant, que rappeler le droit inaliénable et légitime du peuple palestinien de combattre l’occupation sioniste pour recouvrer sa liberté. La campagne de dénigrement dont elle fait l’objet est non seulement indécente et scandaleuse mais reflète également un parti pris flagrant en faveur de l’Etat hébreu qui en dit long sur ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir dans l’Hexagone. On est bien loin de la politique modérée et équitable de cette France des grands De Gaulle ou de Jacques Chirac qui était donnée en exemple et constituait pour les peuples opprimés un véritable sanctuaire politique salvateur vers lequel ils se repliaient par temps de crise. Ce temps illustre où un certain Dominique De Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, s’interposait avec sa verve de fin tribun et ses arguments puissants au Conseil de sécurité de l’ONU et rejetait avec véhémence les velléités belliqueuses des Etats-Unis de lancer leur guerre contre Saddam Hussein, est malheureusement révolu. Le comble dans tout cela, c’est que la politique des deux poids, deux mesures, est devenue la règle en France. L’ex-député Meyer Habib, un sioniste pur et dur devant l’Eternel, n’a pas été tancé, lui, par les députés hexagonaux comme l’a été Rima Hassan, malgré l’extrême gravité de ses déclarations. Pro-Netanyahu jusqu’à la moelle, l’homme avait provoqué en effet en 2023 un véritable tollé en qualifiant les populations palestiniennes de «cancer». Pis encore, on l’a même entendu proférer des propos cyniques en plein Sénat du genre «ça ne fait que commencer» en référence aux horreurs perpétrées par l’armée israélienne contre les populations civiles palestiniennes à Gaza. Malgré la plainte déposée à son encontre par 39 députés de gauche pour « apologie aux crimes de guerre », Meyer Habib s’en est sorti sans encombres; la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet ayant rejeté la demande de levée de son immunité parlementaire au prétendu motif que «les propos tenus par un parlementaire dans l’hémicycle de l’Assemblée sont couverts, conformément à l’article 26 de la Constitution, par le principe d’irresponsabilité, lequel présente un caractère absolu et qu’aucune procédure ne permet de lever».
Dans leur regrettable embardée partisane contre Rima Hassan, les élus français commettent en réalité une bourde monumentale car en assimilant le mouvement de libération palestinienne à un groupe terroriste, ils jettent en fait l’opprobre sur leur propre mouvement de résistance qui a permis de tirer la France des griffes de l’occupation nazie durant la Seconde guerre mondiale. Sans le sacrifice de leurs ancêtres, ces élus n’auraient pu être là où ils sont aujourd’hui, stigmatisant la brave Rima Hassen qui incarne en fait la voie de la liberté et de la justice. Au profit aussi bien de son peuple que toutes les populations qui continuent de subir les vices et les sévices de la servitude et de l’occupation…
C.B.