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Islam et conflits : Entre interprétations et confusion

Par Myriam Ben Salem-Missaoui

Derrière le thème « Religions et conflits », il y a une question sous-jacente : « Les religions sont-elles responsables des conflits ? ». Qu’en est-il de l’Islam dont certains se réclament, en ayant recours au terrorisme comme moyen, pour parvenir à des buts politiques : la mise en place de régimes totalitaires.

À la suite des attentats qui se sont produits ces dernières années en Europe, de plus en plus de non musulmans affirment que l’Islam est par essence violent et que tout adepte de cette religion peut constituer une menace – Islam et « islamisme » seraient une seule et même entité. Cependant, une autre approche consisterait à considérer l’« islamisme » comme symptôme de la crise profonde et multidimensionnelle dans laquelle sont plongés, à des degrés divers, les pays musulmans.

Si l’on se réfère au Coran [1] – parole de Dieu pour les musulmans – on se heurte, notamment, à une difficulté de taille : le « Livre Sacré » est composé selon une logique insolite : les Sourates (chapitres), qui sont autant de « Révélations », sont classées selon un ordre de grandeur décroissante, sans aucune préoccupation chronologique. Or, celle-ci revêt une grande importance pour comprendre le sens, la portée des événements qui se sont déroulés entre 612 et 632. Le travail de l’islamologue consiste, entre autres, à rétablir la chronologie et à s’intéresser de très près aux acteurs, aux enjeux, aux rapports de force, ce qui permet une lecture éclairée de ce texte.

Qu’en est-il donc, selon le Coran, de la question relative aux conflits, à la guerre, au Djihad, mais aussi à la paix, puisqu’Islam signifie aussi la paix ?

Des « Révélations » en faveur de la paix

Comme toutes les religions monothéistes, l’Islam n’a pas pour vocation à dresser les hommes les uns contre les autres. En effet, l’une des finalités essentielles de ces religions est de pacifier les relations sociales grâce à une éthique et une morale permettant d’élaborer un code de conduite. « Ne tuez pas votre semblable qu’Allah a déclaré sacré ! », lit-on dans le Coran (Sourate VI, versets 152/151).

Le Coran rappelle à Mohammed son appartenance à la condition humaine et limite son rôle à celui de « Messager ». Il doit se contenter de porter à la connaissance de qui veut bien l’entendre la « parole de Dieu ». « Je ne suis qu’un mortel comme vous. Il m’est seulement révélé que votre divinité est une divinité unique » (Coran sourate XLI, versets 5/6). « Dis : je suis seulement un mortel comme vous » (Sourate XVIII, verset 110). Il ne dépend donc pas de Mohammed que le « Message » soit entendu ou non et les hommes restent libres de croire ou de ne pas croire.

Le prosélytisme est autorisé et même encouragé mais certainement pas par la contrainte et la violence : « Nulle contrainte en la religion » (Sourate II, versets 257/256). Les moyens à utiliser pour convaincre de recevoir la « parole de Dieu » sont clairement définis dans le Coran : « Appelle au chemin de ton Seigneur par la Sagesse et la Belle Exhortation » (Sourate XVI, verset 126/4). Le musulman doit choisir la « Voie Ascendante », qui signifie la solidarité, la bienveillance, la constance, la modération, la douceur… (Sourate XC, versets 12-18).

Dans de nombreux versets, le Coran parle des « Gens du Livre » (juifs et chrétiens) avec respect et considération. Dans les « Révélations » des premières années de l’Islam, ils sont reconnus comme appartenant, au même titre que les musulmans, à la Umma (communauté des croyants). Il est ordonné au Prophète : « Ne discute avec les Gens du Livre qu’avec courtoisie » (Sourate XXIX, verset 46).

Il est dit dans le Coran à maintes reprises que l’Islam n’est pas une rupture avec le judaïsme et le christianisme, mais une confirmation de ces religions : « Sur toi (Prophète) il a fait descendre l’Écriture avec la Vérité, déclarant véridiques les messages antérieurs. Il a fait descendre la Torah et l’Évangile » (Sourate III, verset 213). L’Islam va très loin dans cette voie puisqu’il encourage les musulmans qui ne trouvent pas toutes les réponses dans leur religion, à s’adresser aux juifs et aux chrétiens : « Si tu es dans un doute sur ce que Nous avons fait descendre vers toi, interroge ceux qui récitent l’Écriture révélée avant toi » (Sourate X, verset 94). Tous les prophètes sont cités et reconnus comme égaux depuis Abraham jusqu’à Mohammed : Isaac, Jacob, David, Salomon, Moïse, Zacharie, Jésus… La virginité de Marie est reconnue dans plusieurs versets. « Et fais mention de celle restée vierge en sorte que nous soufflâmes en elle de Notre Esprit et Nous fîmes d’elle et de son Fils un signe pour le monde » (Sourate XXI, verset 11), ou encore : « Rappelle quand les Anges disent : “Ô Marie ! Allah t’annonce un Verbe émanant de Lui, dont le nom est le Messie, Jésus Fils de Marie, qu’il sera illustre dans la vie Immédiate et Dernière et parmi les Proches du Seigneur” » (Sourate III, versets 37-42).

Comme pour l’ensemble du Coran, ces « Révélations » doivent être situées dans un contexte précis. Elles interviennent à partir de l’an 612 et se poursuivent après l’Hégire (622) jusqu’aux premières années de l’établissement de Mohammed et de ses disciples à Yathrib (qui deviendra Médine). C’est que, en effet, durant toutes ces années, les difficultés rencontrées par Mohammed et les siens concernent leurs relations avec les Arabes polythéistes de La Mecque. Ces derniers en arrivent à réagir de plus en plus violemment au contenu du « Message » porté par Mohammed car il est révolutionnaire dans tous les domaines et met en danger l’ordre établi. Les persécutions dont sont victimes les musulmans vont se faire de plus en plus vives au point que Mohammed prend deux décisions : il envoie un groupe de musulmans, dont sa fille, demander asile et protection au roi chrétien d’Abyssinie ; en 622, lui et ses disciples quittent La Mecque, traversent 350 kilomètres de désert pour s’établir à Yathrib, ville qui était en rivalité avec La Mecque. Ce sera l’Hégire ou « immigration ». La population de Yathrib les reçoit avec bienveillance. Elle est composée de tribus chrétiennes, juives, polythéistes. Mohammed sera même choisi par les uns et par les autres comme médiateur, arbitre, juge. Les polythéistes de La Mecque constituent pour lui l’« ennemi principal ».

C’est seulement quelques années après l’installation à Yathrib et dans un contexte de guerre avec les polythéistes, que vont apparaître les premiers malentendus.

M.B.S.M.

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