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Editorial : Au nom du Père, du Fisc et des saints boucs-émissaires…

Par Chokri Baccouche

Un revenu mensuel de 3.000 dinars est indispensable pour vivre décemment en Tunisie, déclarait lundi dernier au micro d’une radio de la place  le conseiller fiscal Mohamed Salah Ayari. Au mois d’août dernier et sollicité pour donner son avis sur le même sujet, l’économiste Ridha Chkoundali a placé, lui, la barre encore plus haut. Il a estimé en effet qu’en raison de l’accélération de la hausse des prix, le revenu mensuel d’un citoyen tunisien doit de situer aux alentours de 4200 dinars pour subvenir à ses besoins et vivre correctement. L’un et l’autre ne croyaient pas si bien dire car, au rythme actuel de la cherté de la vie, il faut nécessairement avoir un salaire cossu, assorti d’un solide compte en banque pour faire face aux impondérables… à toute fin utile. En théorie donc et selon la déduction, somme toute logique et objective de nos deux experts, il faut disposer de plusieurs milliers de dinars chaque mois pour joindre les deux bouts sans trop de bobos mais sans permettre pour autant des folies liées à des dépenses extravagantes. Ça ne sera pas la vie de château bien entendu mais on aura en principe assez d’oseille pour répondre à des besoins existentiels et élémentaires tels que la nourriture, le transport, les factures d’eau et d’électricité, les frais de scolarité pour les titis… Dans la pratique en revanche, on est bien loin du compte et pour cause ! Rares sont, en effet, les familles qui ont des rentrées mensuelles d’argent de plus de 4000 dinars et ce, même si le mari et son épouse ont une activité rémunérée.

De ce qui précède, on peut déduire donc que le coût de la vie est de plus en plus cher mais le pouvoir d’achat des contribuables, sont seulement ne suit pas mais se réduit chaque jour un peu plus comme peau de chagrin. L’inflation galope à brides abattues, mais les salaires stagnent. Difficile voire impossible dans ces conditions de tenir le coup face à l’envolée des prix qui s’inscrivent régulièrement à la hausse. C’est la raison pour laquelle l’écrasante majorité des ménages tunisiens éprouvent toutes les peines du monde à s’en sortir. La plupart d’entre ces derniers dont le compte bancaire est toujours au rouge sont d’ailleurs obligés de contracter des avances sur salaire ou des prêts pour combler leur déficit budgétaire avec tous les désagréments qu’on imagine et qui se traduisent par un déséquilibre financier constant et insoluble. Un sacré cercle vicieux qui rend en définitive la vie encore plus dure qu’elle ne l’était auparavant. Cette situation peu enviable traduit en fait le quotidien pointu de l’écrasante majorité de nos concitoyens.

La hausse de l’impôt sur le revenu décidée dans le cadre de la loi de finance 2025 a des effets pervers et ce sont les couches les plus vulnérables et d’une manière générale les citoyens lambdas qui vont payer les pots cassés. Les signes avant-coureurs justifiant ce constat commencent d’ailleurs à se faire sentir. Le  Conseil régional de l’Ordre des médecins de Tunis, rapide à la détente, a publié en effet, dimanche dernier, la nouvelle fourchette des honoraires médicaux, entrés en vigueur depuis le 1er janvier. Sans trop rentrer dans les détails, les prix des consultations que devront débourser désormais les patients ont été révisés, bien évidemment à la hausse. Les tarifs varient également selon qu’on a à faire à un médecin généraliste ou à un toubib spécialiste, une consultation au cabinet ou une visite à domicile. Autre détail révélateur : les prix augmentent si la visite a lieu de nuit ou pendant les jours fériés.

Bref, l’Etat révise à la hausse les taxes et les prestataires de service râlent un peu pour exprimer leur rituel désaccord mais ne se font pas trop de souci car ils disposent de l’antidote fatal et terriblement efficace qui leur permet de préserver leurs intérêts : ils font monter les enchères et augmentent leurs prestations et le tour est joué. C’est simple comme bonjour. Dans ce jeu du chat et de la souris, les parfaits boucs-émissaires sont bien évidemment les consommateurs. Le mime étant chez nous une véritable culture, il n’est pas du tout surprenant que les prestataires de service des autres secteurs calquent à leur tour cette idée géniale et adoptent la démarche des toubibs. Au rythme où vont les choses, gageons que MM. Mohamed Salah Ayari et Ridha Chkoundali seront obligés dans peu de temps de réviser leur copie et d’admettre que le Tunisien aura besoin, pour s’en sortir et vivre décemment, de 5000 dinars. Qui peut se targuer de toucher un tel salaire ? Mieux vaut en rire sous cape. Pas à gorge déployée mais modérément pour ne pas s’étouffer et être obligé, par conséquent, de consulter un spécialiste des gosiers du quartier qui se frotte d’ores et déjà les mains d’aise…

C.B.

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