Myriam BEN SALEM-MISSAOU
L’économiste Ridha Chkoundali a critiqué le nouveau système d’impôt progressif sur le revenu estimant qu’il aura des effets graves sur le pouvoir d’achat des Tunisiens. Qu’en pensent ses confrères parmi les fiscalistes et autres économistes?
L’économiste Ridha Chkoundali est revenu dans un post Facebook sur les nouvelles dispositions portant sur l’impôt sur le revenu. Pour lui, ces mesures vont pousser plusieurs corps de métiers à augmenter les honoraires de leurs prestations, ce qui va affecter le pouvoir d’achat des classes moyennes et pauvres. Pour l’économiste Ridha Chkoundali, le rabattement fiscal prévu dans la loi de finances pour l’exercice de 2025 aura des conséquences sur les premiers bénéficiaires, à savoir les catégories sociales les plus vulnérables suite à la décision de l’Ordre des médecins d’augmenter les tarifs des consultations. Pis encore, selon notre expert, d’autres corps de métiers touchés par les nouvelles dispositions de l’impôt sur le revenu vont suivre les médecins et augmenteront à leur tour leurs honoraires. Au final, les classes sociales aux revenus moyens et faibles «vont donner par la main gauche ce qu’ils ont obtenu par la main droite et peut-être plus».
En effet, l’article 36 de la loi de finances 2025 introduit une réforme importante du système fiscal tunisien, visant à alléger la charge fiscale des citoyens et à promouvoir l’équité fiscale. Cette réforme, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2025, modifie le tableau de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des sociétés, prévu par l’article 44 du Code de l’impôt. Cette réforme fiscale fait partie d’un ensemble de mesures visant à renforcer les ressources du Trésor public tout en soutenant les principes d’une fiscalité plus juste et équitable pour les citoyens. Toutefois, certains fiscalistes et économistes estiment que ce système va montrer rapidement ses limites et affectera lourdement le pouvoir d’achat des Tunisiens aussi bien les riches que les pauvres. Peut-on, de fait, changer la donne et rééquilibrer ce système?
Réactions
Interrogé à ce sujet, le commissaire aux comptes Slah Moussa nous a confié: «Une loi ne peut être changée qu’avec une autre loi. Alors, le nouveau système progressif relatif à l’impôt sur le revenu est entré en vigueur à partir du 1er janvier avec force de loi. Ce qu’il faut faire, alors, est de lancer des négociations avec les corps de métiers dont l’imposition a été augmentée et trouver des accords avec eux comme la baisse de la TVA et alléger les charges sociales. De cette manière, on peut convaincre les médecins, les architectes, les avocats et autres universitaires de ne pas augmenter leurs honoraires». De son côté, le professeur universitaire et économiste Ridha Chkoundali nous a déclaré: «Il y a quelques semaines, j’ai prévenu contre cette nouvelle mesure prévue dans la loi de finances et contre son impact sur les deux classes sociales moyennes et faibles. J’ai, aussi, préconisé que pour se pencher sur le cas des médecins et d’autres élites qui fuient le pays, nous avons d’abord besoin de les garder en Tunisie. Et ensuite penser à leur donner des privilèges, avec nos moyens du bord. Maintenant qu’on est devant le fait accompli, le pouvoir d’achat est une nouvelle fois touché. Cette taxation aurait dû être faite uniquement sur d’autres types de personnes comme par exemple les directeurs de banque qui touchent de gros salaires. La meilleure illustration de mon propos est cette analyse que j’ai publiée hier. D’ailleurs, je demanderai aux experts ayant conseillé l’application de cette mesure de se manifester et dire un mot. Ce n’est pas si difficile d’être objectif et de ne pas sombrer soit dans un excès de mesure soit à l’inverse. C’est quand même ridicule d’être encore les cerbères d’une époque révolue».
M.B.S.M.