C’est un impératif pour la Tunisie aujourd’hui. Tandis que le pays se trouve à un tournant économique et social des plus décisifs de son histoire, les attentes des citoyens deviennent de plus en plus pressantes dans une conjoncture qui ne cesse d’amplifier les inégalités et les disparités. Une situation complexe qui exige une révision intégrale des approches traditionnelles de planification et de développement. C’est d’ailleurs en partant de ce même constat que Kaïs Saïed semblait avoir imaginé et conçu l’architecture de son grand projet de reconstruction. Au mois de septembre dernier, en examinant ce qui est supposé être le cadre constitutif des politiques de planification présentée dans une feuille de route baptisée «Document des grandes orientations du développement», il a tenu à rappeler à son chef du gouvernement la nécessité de rompre avec les politiques du passé. Laquelle rupture qui doit être, selon Saïed, à la fois sur le fond et sur la forme et qui illustre l’urgence des réformes fondamentales, «loin des slogans creux et des modèles obsolètes» comme aimait-il le souligner dans tous ses discours.
Durant de longues décennies, les plans de planification économique, se sont enchaînés au fil des quinquennats sans en fin de compte satisfaire les attentes des générations de Tunisiens. Nombreux sont en effet les Tunisiens qui croient, comme Saïed, que «des centaines de milliards de dinars ont été dilapidés dans des projets dont les travaux n’ont jamais vu le jour». Un état des lieux qui, mise à part son objectivité, met en évidence la mauvaise gestion des deniers publics, et des projets mal planifiés et généralement abandonnés pour des motifs bureaucratiques desquels se dégageait souvent un râlent de corruption.
Si aujourd’hui la Tunisie a mal des disparités, ses souffrances sont conséquence de ces politiques défaillantes. Et quand certaines régions, essentiellement côtières prospèrent, l’intérieur du pays reste toujours marginalisé, manquant d’infrastructures et dépourvu d’opportunités économiques. Ces inégalités sont non seulement sources d’injustice, mais elles freinent également le développement de tout le pays. Les anciennes politiques, focalisées sur des projets classiques voire archaïques et complètement déconnectées des besoins réels des citoyens, doivent désormais céder la place à une planification intégrée et inclusive.
Pour rompre avec ces dynamiques dépassées du passé, la Tunisie a besoin d’un véritable renouvellement de ses paradigmes de développement. Ceci nécessite une capacité de se réinventer et reconsidérant aussi bien les objectifs des politiques publiques, que les méthodologies envisagées pour les atteindre.
Ce renouveau doit s’appuyer sur deux principes fondamentaux: l’efficience et la transparence parce qu’une planification ne peut être efficace que si elle colle aux attentes des citoyens, en privilégiant les projets qui, en générant des emplois c’est-à-dire atténuant la marginalisation et la, pauvreté, améliorent les conditions de vie de la population et comblent les écarts entre les régions. Cela implique une vraie décentralisation, en donnant aux autorités locales les moyens nécessaires pour que les politiques de développement soient le reflet des réalités locales.
L’équité, en tant que pilier central du développement, ne doit plus être un simple objectif théorique. Elle doit se traduire par des actions concrètes visant à éliminer les disparités économiques et sociales. Pour ce faire, la Tunisie doit adopter des politiques qui favorisent une redistribution équitable des ressources, tout en investissant dans des secteurs porteurs tels que l’agriculture durable, les énergies renouvelables et l’économie numérique.
Il est également crucial d’investir dans l’éducation et la formation professionnelle, notamment dans les régions défavorisées, afin de donner à tous les Tunisiens les outils nécessaires pour contribuer au développement du pays. Par ailleurs, une justice fiscale rigoureuse est essentielle pour garantir que les ressources collectées par l’État soient utilisées de manière optimale et équitable.
La volonté de réforme est grandissante, c’est sa mise en œuvre reste le défi majeur. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, la Tunisie a besoin d’un cadre institutionnel solide et transparent avec lequel doivent être déployés les moyens nécessaires garantissant un suivi rigoureux des projets, une évaluation régulière de leur impact et un engagement infaillible à la lutte contre la corruption. Ceci dit, la Tunisie doit miser sur la digitalisation pour une gestion plus efficace et plus transparente des ressources.
En adoptant une approche innovante et inclusive, la Tunisie a l’opportunité de transformer les défis actuels en leviers de développement durable. Le pays regorge de talents, des richesses inexploitées et d’une jeunesse ambitieuse qui n’attend qu’une chose: une politique de développement qui répond à ses aspirations. Il est grand temps pour passer des paroles aux actes.
H.G.