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Editorial : A la croisée des chemins…

Par Chokri Baccouche

L’UGTT est ballottée depuis quelques temps au gré des vents qui souffrent dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Elle est en proie, en effet, à une grave crise interne qui monte en épingle au fil des jours. L’appel lancé récemment par Anouar Ben Kaddour, membre du Bureau exécutif de la centrale syndicale, à la tenue d’un congrès extraordinaire au premier trimestre 2025, bien qu’un congrès ordinaire soit prévu pour février 2027, reflète à bien des égards le profond malaise qui secoue cette organisation historique, qui n’est plus aujourd’hui, diront les mauvaises langues que l’ombre de ce qu’elle était naguère. Les initiés rompus aux arcanes syndicaux s’accordent à penser que l’origine de la crise actuelle remonte au congrès de Tabarka en 2010, lorsque les statuts de l’UGTT ont été modifiés pour limiter les mandats du Bureau exécutif à deux. Contre toute attente, cependant, l’article 20 du règlement intérieur a été modifié, lors du congrès de Sousse en 2021 pour permettre des mandats illimités, chose qui a mis le feu aux poudres et généré une fracture au sein de l’Organisation. Ce changement impromptu, qualifié de coup de force par de nombreux syndicalistes a accentué les dissensions internes. Beaucoup y voient une manœuvre fomentée par l’actuel Bureau exécutif dirigé par son S.G, Noureddine Tabboubi, pour se maintenir indéfiniment à la tête de l’Organisation afin de concrétiser des ambitions strictement personnelles. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs un groupe des syndicalistes influents réclame, depuis plusieurs mois, le départ du  Bureau exécutif qui a été réélu pour un troisième mandat consécutif, rappelons-le, lors du congrès de Sfax en 2023.

Il faut dire que les divisions internes ne sont pas la seule cause à l’origine des déboires que connait l’UGTT. La cote de popularité de la Centrale syndicale est, en effet, à son plus bas niveau actuellement. De nombreux Tunisiens la tiennent, en effet, pour responsable ne serait-ce qu’en partie de la situation délétère qu’a connue le pays particulièrement durant la dernière décennie noire. Faute et lieu d’être porteuse de solutions tangibles pour le bien de la collectivité nationale, l’UGTT est devenue, aux yeux de ses détracteurs, une partie du problème. En cause, le chaos ayant prévalu à l’époque ayant pour nom grèves anarchiques et arrêts intempestifs et arbitraires de la production et du travail qui ont gravement porté préjudice aux intérêts du pays, générant au passage d’énormes pertes pour l’Etat. C’était l’époque, de triste mémoire, où un simple syndicaliste zélé, responsable d’une modeste fédération syndicale, pouvait souffler le « show » et le froid et décréter un blocage sur un simple coup de tête sans même aviser sa hiérarchie. On en était arrivé au point qu’un train de la SNCFT pouvait décider d’arrêter net sa desserte au milieu de nulle part après qu’un ordre eut été donné à son conducteur de stopper la machine,  au grand dam des pauvres passagers qui sont obligés de subir les désagréments causés par cette dictature syndicale. Il n’y a pas de fumée sans feu donc et on est tenté de dire que les déboires de l’UGTT  ne sont, en fin de compte, que le résultat logique des nombreuses erreurs et des mauvaises pratiques cumulées tout au long de ces dernières années.

Malgré l’ampleur de la crise qui menace la cohésion interne et la stabilité fragile de l’UGTT, le Bureau exécutif tempère et botte en touche. Le secrétaire général de l’organisation syndicale, Noureddine Tabboubi a déclaré, en effet mercredi dernier, que « ce qui se passe actuellement est semblable aux crises précédentes, et qu’il s’agit d’un phénomène sain ». « Ceux qui parient sur cette crise pour mettre fin au syndicat » se trompent lourdement car, peu importe  le désaccord, la maison ne sera jamais détruite » a-t-il ajouté. Il y’a le feu à la maison mais Tabboubi pense qu’il n’y a pas vraiment de quoi fouetter un chat, ni se faire de la bile. Pour lui, il s’agit ni plus ni moins en somme que d’une tempête dans un verre d’eau liée à un simple « conflit sur l’indépendance du syndicat ». Circulez, il n’y a rien à voir, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, semble dire autrement le S.G de la centrale syndicale, qui donne au passage une mauvaise réponse à une réelle et bien difficile problématique. Les propos de Tabboubi  qui aurait été certainement bien inspiré en faisant amende honorable, ne risquent pas, en tout cas, de convaincre grand monde parmi ses détracteurs. En faisant monter la pression, ces derniers semblent déterminés à aller jusqu’au bout de leur intention pour imposer le changement qui risque de s’opérer dans la douleur faute d’un consensus à l’amiable. Plus que jamais, il est à craindre, l’UGTT est à la croisée des chemins et à un tournant décisif de sa riche histoire en tant que force sociale de régulation, aujourd’hui à la recherche de nouveaux repères…

C.B.

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