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Editorial : Jeu avec le feu…

Par Chokri BACCOUCHE

La chute de Bachar Al Assad, écrivions-nous dans une précédente livraison, a ouvert une véritable boite de Pandore aux retombées potentiellement catastrophiques sur le plan sécuritaire aussi bien pour la Syrie que pour l’ensemble des pays de la région voire au-delà. Les signes avant-coureurs de ce scénario pas du tout rassurant commencent malheureusement à se faire sentir. C’est ce qui explique justement l’inquiétude partagée par de nombreux observateurs avertis qui évoquent ces derniers jours l’existence d’une bombe à retardement à effet dévastateur sur le point d’exploser. Pas moins de 9 mille combattants de l’organisation terroriste de l’Etat islamique Daech sont détenus en effet actuellement dans les prisons situées dans la partie du territoire syrien contrôlée par les Kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS). Rien de particuliers dira-t-on jusque-là sauf que ces FDS qui sont armés et assistés par les Etats-Unis, pour lutter officiellement contre les jihadistes de Daech, sont considérés dans le même temps par les autorités turques comme faisant partie d’une organisation terroriste, proche de son ennemi juré, le Parti des travailleurs kurde, interdit. Dans ce méli-mélo invraisemblable où les intérêts diamétralement opposés des différents protagonistes s’entrechoquent, la situation vire au vinaigre ces derniers jours à la vitesse grand «V». Ankara qui veut en découdre coûte que coûte avec les Forces démocratiques syriennes, pour des raisons stratégiques et sécuritaires évidentes, semble plus que jamais décidé à passer à l’action. Les factions syriennes à la solde de la Turquie ont d’ores et déjà commencé leur travail de harcèlement faisant craindre le pire, car, en cas d’effondrement des FDS, c’est la porte de l’enfer qui risque de s’ouvrir dans toute sa largeur, et pour cause ! Les 9 mille éléments terroristes extrêmement dangereux actuellement détenus dans les prisons kurdes risquent en effet de s’évader et de se retrouver par conséquent dans la nature. Au grand bonheur des dirigeants de l’organisation de l’Etat islamique qui pourra ainsi reprendre du tonus et renaître de ses cendres. Cette sombre perspective est d’autant plus envisageable que ces combattants aguerris et idéologiquement gonflés à bloc ont donné, tout au long de la guerre civile ayant ravagé la Syrie, la preuve formelle de leur immense capacité de nuisance et de destructions et leur propension naturelle à pousser les limites de l’horreur à leur paroxysme.

C’est une méga-menace qui se profile à l’évidence à l’horizon dans un pays, la Syrie, et une région, le Moyen-Orient, qui ne sont pas malheureusement au bout de leur peine. Il ne manquait plus en effet pour compléter le décor, déjà très mal au point, de cette partie du monde que le retour potentiel des sicaires de chez Daech qui pourraient donner le coup de grâce à la stabilité précaire de toute la région. Tel est pris qui croyait prendre : le renversement de Bachar Al Assad s’est avéré être finalement une véritable malédiction pour tous les protagonistes de la crise syrienne, directs ou indirects, qui ont commis finalement une bourde stratégique monumentale. Ce qui est valable pour la Turquie, diront les mauvaises langues, l’est tout aussi pour les Etats-Unis dont le contingent militaire déployé en Syrie et fort d’un millier d’hommes ne sera pas à l’abri de potentielles représailles terroristes dans ce cas de figure. A Washington, on se fait d’ailleurs du souci à ce sujet. Les experts américains prennent d’autant plus au sérieux cette menace que leur pays n’est pas porté en odeur de sainteté par les combattants de Daech qui continuent à être ciblés par les raids aériens des forces U.S. C’est la raison pour laquelle les alliés du président partant, Joe Biden, au Congrès haussent la voie et plaident en faveur d’un surcroît de pression sur les autorités turques afin de les inciter à revenir à de meilleures intentions et cesser immédiatement leurs attaques contre les FDS.

Autant dire que la partie risque de chauffer entre les alliés otaniens qui sont unis dans le cadre de l’Alliance atlantique mais dont les intérêts stratégiques sont bigrement contradictoires. Lequel des deux réussira finalement à imposer ses desideratas et sa vision des choses ? Difficile, dans l’immédiat, de répondre à cette question de manière catégorique. Les enchères et les surenchères sur fond de concessions géostratégiques pourraient rentrer en jeu pour délier le nœud gordien et trouver un terrain d’entente entre les deux alliés, qui s’annonce très difficile du reste dans l’état actuel des choses. Entretemps, c’est toute la région qui retient son souffle et pas seulement ! La libération des jihadistes tunisiens détenus dans  les prisons syriennes et qui viennent d’être libérés après le renversement de Bachar Al Assad pose également problème pour les raisons qu’on imagine.

Sans verser dans l’alarmisme, il importe aujourd’hui et plus que jamais d’ouvrir l’œil et le bon et de prendre toutes les mesures nécessaires pour parer à toutes les éventualités et prémunir l’intégrité territoriale de notre pays contre les effets pervers de la déferlante déstabilisatrice moyen-orientale dont les signes avant-coureurs commencent à se faire sentir en Afrique du Nord. Nos frères algériens qui ont réussi récemment à faire avorter, semble-t-il,  le premier «assaut» sont certainement bien placés pour le savoir et le confirmer…

C.B.

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