<< tous deux restèrent à flotter dans un univers vide où la seule réalité, quotidienne et éternelle, était l’amour.>>
Voici l’ultime scène d’une vie, jouée par les derniers damnés de Macondo. Également, derniers descendants des Buendia, famille « maudite » autour de laquelle est construite l’œuvre de cent ans de solitude.
Marquez avait reçu le prix Nobel de la littérature pour toute son œuvre en 1982, avant même la publication de son roman le plus connu : l’amour au temps du choléra, paru en 1987. Cent ans de solitude, par contre, avait été publié la première fois en 1967 à Buenos Aires.
Cette période de vacances, celle des siestes et des chaudes et longues journées d’été est opportune à la lecture. L’appel de cette intelligente activité est de rigueur pour en tirer du sens.
A première vue, l’idée de proposer une des plus grandes œuvres, un chef- d’œuvre du 20ème siècle, dont l’auteur avait été digne de gagner le défi du prestigieux prix Nobel de littérature, m’est venue au mois d’avril, lorsque j’observais que de par le monde, on commémorait la dixième année du décès de ce géant de la littérature internationale. Et, m’est ainsi venu à l’esprit cet important << cent ans de solitude>> tant louangé. Pour beaucoup, Gabriel Garcia Marquez est le Victor Hugo Sud-américain. Cette deuxième lecture de cent ans de solitude, m’a rappelée l’œuvre de John Steinbeck, les raisins de la colère, prix Pulitzer 1940. Les deux œuvres font le récit d’évènements calamiteux de par la misère des conditions des deux familles et celle de leur environnement. Pourtant à chacune des deux œuvres une époque différente, des lieux différents et incomparables. Mais l’accablement, le désarroi, les troubles sont vécus et ressentis de la même manière.
Et Macondo jaillit !
Cent ans, rien que cela ! Ces cent ans commencent dans un tout petit village d’une vingtaine de mansardes. Des galetas en terre glaise et roseaux au bord d’une rivière. Cette bourgade Macondo, Marquez en a fait « un des lieux les plus magnétiques de la littérature mondiale ». Macondo pour Garcia est un théâtre où se joue, cent ans durant, la vie de la famille Buendia et d’autres personnages bien passagers en dehors de l’étonnant gitan Melquiades. Une famille matricée par les épreuves et les afflictions, mais par moments traversée, un tant soit peu, d’intervalles de bonheur, de joie. Dans la demeure des Buendias les morts reviennent, discutent et communiquent avec les vivants dans des scènes affirmés par l’auteur, avec un réalisme surprenant, à la fois, magnétisant.
Narrateur, tout yeux, tout oreilles aux ragots, rien ne lui échappe. Bien qu’il mette en scène des individualités fort particulières, au niveau de leur mental et de leur constitution physique, il égrène aussi, les évènements qui se succèdent le long des cent ans de la vie de Macondo. Il dénude même les scènes les plus intimes de certains personnages de l’œuvre. Il faut reconnaitre, le regard de ce narrateur lève le voile sur nombre d’évènements péremptoires ayant marqué les évolutions connus par le village, mais aussi par toute la Colombie et le cours de son histoire.
Estime dans tous les azimuts
Cette œuvre avait été appréciée avec immense empressement et zèle par les critiques de tout bord. Ces critiques s’étaient accordées toutes, sur le grand degré d’influence qu’exerça, en son temps, « cent ans de solitude » sur moult écrivains, sur la littérature internationale plus largement.
Garcia n’épargne aucunement le lecteur de la cruauté de certains détails. Il décrit avec un esprit porté à la minutie quant à la destinée de ses personnages. Les symboles émergent à chacun des pas effectués par les principaux pontes de cette comédie humaine.
Ursula, « la mama », fortement présente, imposante le long de cent ans de solitude. Elle est un personnage principal de l’œuvre. Elle a survécu malgré les nombreux tracas, accrocs et embuches. Elle ne trébuche jamais, même aveugle. Elle se distingue par une étonnante liberté et semble moins vivre sa vie que celle des proches et celle d’autres de son village. Un personnage allégorique, mystique bien que souvent muni d’un caractère bien trempé ne se laissant jamais abattre et réaliste plus que tout.
Les Buendias des individualités survivant au sein d’une même maison. Une demeure qui, d’humble chaumière va, elle-même, suivre les évolutions survenant dans le monde, en dehors de Macondo. Elle va s’agrandir au rythme de la croissance du nombre de ses habitants, pour devenir la plus belle du village. De grande maison de notables, à l’arrivée de l’éblouissante Fernanda couronnée d’émeraudes et investie d’un tempérament aussi bien trempé que celui d’Ursula, va devenir un château où l’on dresse au quotidien, une longue table couverte de nappes de lin amidonnées. Et, les Buendias se voient ainsi, obligés, de se servir de vaisselle en argent.
Garcia Marquez se sert du fils Buendia, Aureliano (le colonel) pour engager une note politique dans son roman. Naissance de syndicat et adhésion massive de syndicaux. Il ne manque pas d’égrapper les sempiternelles luttes entre libéraux et conservateurs. Les combats des troupes des libéraux sont menés au feu par le colonel Aureliano de Macondo.
Aureliano Buendia transporte loin cet engagement, il le conduit même en dehors de sa Colombie. In fine, l’ivresse du pouvoir, s’emparant du colonel, ne fait que l’aveugler. Avant d’exprimer ses ordres, ils sont exécutés « plus loin qu’il n’aurait osé les faire aller ». Ravagé, la solitude l’engouffre ignorant « du pourquoi, du comment, du jusqu’à quand…Il ne se figurait pas qu’une guerre est plus facile à commencer qu’à finir ».
Intemporel, cent ans de solitude est certes, chef d’œuvre de la littérature internationale. Une immense œuvre qui nous plonge dans la lecture des désolations, de la détresse du genre humain. Garcia Marquez ne manque pas, à chaque évènement égrené, de nous incliner à la méditation sur la condition humaine.
Une œuvre bourrée de sens, sans, pour autant, donner du sens. Amateurs de la grande littérature, à vos marques !
A. A.Soula