Par Amna Atallah Soula
<< Sur cette terre, il y a la maitresse de la terre, mère des commencements. Elle s’appelait Palestine. Puis on l’appela Palestine.>> Mahmoud Darwich.
Ce roman s’impose pour mieux appréhender les douloureux évènements que vit Gaza.
Dans cette saga historico-romancée, Gilbert Sinoué raconte l’histoire bouillante de deux familles palestiniennes, celle d’Egypte, celle d’Irak et celle de l’occupant israélien. En fait celle du Moyen Orient.
La Méditerranée flamboyait, le vent, les senteurs de jasmin et de rose dansaient sur les flancs du mont Carmel. C’est dans ce merveilleux tableau que l’auteur fait émerger une à une les figures de la famille palestinienne Shahid. Par ce nom joue-t-il les Cassandre ? Avec ce qui se produit comme horreurs à Gaza je crois bien que oui ; c’est sans nul doute une prédiction avérée.
En 1919, cette famille reçoit son premier camouflet. Karam qui travaille dans sa plus importante orangeraie, celle située dans la vallée de Jezréel, se présente à Haïfa. Pour Hussein Shahid, ça ne présageait guère rien de bon. Karam lui rapportait effectivement une nouvelle foudroyante. Les champs non loin des siens, ceux d’Elias Sursock et des Touinis, qu’il a de tout temps cherché à acheter, avaient été cédés à des juifs venus de Russie. Hussein eût sa première crise cardiaque et les pauvres paysans qui y travaillaient, ils leur étaient quasi impossible de remporter la bataille. Un coup fatal, ces pauvres paysans se furent déguerpis de leurs terres à coups de crosses par la police britannique.
A noter que la vallée de Jazreel avait été décrite en 1854 par l’écrivain américain Bayar Taylor comme étant l’une des <<région les plus riches du monde>>. Elle était pour Laurence Oliphant, <<un tableau de fertilité luxuriante des plus frappants qu’il puisse concevoir>>.
Les champs ont été vendus à la Commonwealth américain zion. Il ne s’agit, et rien d’autre, que de l’un des fondamentaux du ‘’sionisme travailliste’’ faire travailler les juifs. Les Britanniques soutenaient les premiers noyaux de peuplement sioniste.
D’ailleurs, la couleur était clairement et audacieusement annoncée par Chaïm Weizmann. Il était chimiste et avait fait une découverte révolutionnaire : un procédé de la fermentation rendant possible que soit fabriquées d’énorme quantités d’acétone. Une aubaine, une bénédiction de Dieu pour les Britanniques en ce temps de guerre ! cette acétone leur était nécessaire à la production des explosifs (TNT).
Weizmann exigea un pacte << donnant donnant, mon brevet contre la Palestine>> ! Et, ce fût la fameuse Déclaration de Balfour 1917 ! Lettre ouverte d’Arthur Balfour à Lionel Walter Rothschild financier du mouvement sioniste. Le Royaume Uni s’y déclare en faveur de l’établissement ‘’d’un foyer national pour le peuple juif’’ autrement dit création de l’‘’Etat d’Israël’’.
Pour continuer sur sa lancée, Weizmann claironnait, au cours d’une conférence à el Qods, que vingt siècles au paravent ses ancêtres avaient pour capitale cette ville sainte. Et, qu’en se trouvant en <<Palestine (il n’était pas) un étranger à l’étranger. Il en est de même de tous mes frères dispersés >>.
En 1920, affluaient des paquebots d’Italie, de Turquie, de Russie…déversant des flots d’arrivants ; des gens venus de toutes parts de la planète. Depuis, les incidents, les rixes et les tueries se succédèrent.
Pour clore le tout, Winston Churchill s’adressant à des notables palestiniens dont le maire d’el Qods, leur avait bien signifié qu’il était hors de question que l’Angleterre revienne sur les ‘’droits accordés aux juifs’’ et que soit mis fin à leur implantation en Palestine. Il en est de même pour la fondation du foyer national juif tel qu’annoncé par la déclaration de Balfour. Pour Churchill ces notables palestiniens n’étaient que d’une étrange race <<jamais nous ne pourrions nous mélanger à ces gens !>>.
Sinoué, dans son œuvre, met en exergue ce qu’instillaient les Britanniques et les nouveaux arrivants en terre palestinienne désolation, chaos, animosités, conflits et assassinats. Ce qui conduisait inéluctablement à l’effritement des sentiments cordiaux et amicaux prévalant et liant les Arabes musulmans et Chrétiens palestiniens aux juifs palestiniens.
Ces nouveaux venus ne se donnaient même plus la peine d’acheter les terres, ils s’en emparaient par la force.
Des localités sionistes entières s’accomplissaient par surprise. Le plus souvent, dans des nuits noires furent édifiées des quartiers, afin de mettre les Arabes hébétés, devant le fait accompli.
Du coup, et selon l’auteur, les nuits devenaient un enfer aux habitants ; les armes ne cessaient de parler. Dans d’autres régions, toujours selon Sinoué, les habitants avaient fini par s’en remettre à Dieu ! En s’habituant aux bruits des détonations.
Face à la débâcle dont ils étaient les auteurs, les Britanniques avaient préconisé le fameux partage de la Palestine. De surcroit, ils accordaient à ces étrangers venus de toutes parts, les régions les plus fertiles et les plus riches économiquement de la Palestine.
Sinoué décrit avec précision de quelle manière les Palestiniens vécurent cette ignominie, pour eux il s’agissait d’un déshonneur, d’un arrêt de mort sans plus sans plus. Comble d’ironie, les milieux révisionnistes juifs n’avaient pas eux de même, admis ce partage : ‘’la terre d’Israël’’ ne devait en aucun cas, être amputée de la Transjordanie. Les rabbins criaient à qui veut bien les entendre << qu’ils ne renonceraient pas à un seul pouce du pays d’Israël>>. A bon entendeur salut ! L’intention de s’accaparer de toute la Palestine était déjà bien prescrite dans leurs intentions !
Amin el Houssaini, le mufti d’el Qods avait pressentit ces desseins, il appela à la grande révolte arabe. Avait-il été entendu ?
En réponse, vingt mille soldats britanniques, vingt et un mille de la Haganah et mille cinq cents de l’Irgoun furent déployés. Mater était leur mission en réponse à la révolte des arabes contre les décisions du partage et la colonisation de leur pays, refusant de le livrer à des gens expulsés, harcelés et arrachés à leurs patries de par les quatre coins de la planète.
A l’opposé de ce à quoi appelait Houssaini, d’autres prises de positions voyaient le jour ; elles adoptaient une attitude et une résistance pacifiques <<attaquer des juifs, les pourchasser, les tuer>> ce n’était pas leur philosophie politique ni leur mode d’action. Mais aux vues de ce qui s’était produit et se produit comme crimes par cet occupant, ils finirent par désenchanter et perdre beaucoup de leurs illusions ! L’occupation s’élargissait et prenait une dimension démesurée. Depuis la déclaration de Balfour leur terre << file entre leurs doigts comme du sable entre les doigts de la main>>
Les Allemands s’étaient approchés de Houssaini pour lui signifier qu’ils n’avaient pas de visées colonialistes sur cette région du Moyen-Orient : Ils ne souhaitaient que l’émancipation des peuples opprimés ; ceux, bien évidemment, outrageusement et injustement mal menés par leur ennemi Britannique ! Il faut rappeler que Gertrude Bell et Lawrence d’Arabie avaient tenu pratiquement les mêmes propos. Mais Lawrence s’était rendu compte qu’il s’agissait tout simplement d’un leurre. Il en a été profondément touché, dégouté et humilié par la plus grande trahison de tous les temps, il s’était enfouit et éclipsé.
En même temps, Churchill par contre, suggérait de gazer ces tribus dont les hommes ne lui ressemblaient pas ! Ces empêcheurs de tourner en rond !
Voilà comment l’auteur remémore cet épisode de l’histoire du Moyen-Orient. Il narre aussi l’attitude d’autres juifs ; ceux qui saisissaient le sens de ce qu’ils subissaient. Ils n’étaient pas dupes et se posaient moultes questions se demandant s’ils n’étaient les complices de leurs assassins ?
Deux communités avaient été mises dos à dos par un jeu machiavélique des britanniques qui in fine, pliaient bagages et rentraient chez eux.
Les Arabes demeuraient impuissants, réunis au sein de la Ligue arabe, ils s’étaient exclamés par << c’est l’apocalypse qui nous attend !>>. L’ONU, de son coté, supervisait le devenir de cette terre triplement sacrée. C’était ainsi, que revenait à cette organisation le partage de la Palestine en deux Etats. Elle le décréta en 1947 !
L’aspiration de fonder un Etat juif de Théodor Herzl fût exaucée ! Mais les affrontements sanglants s’étaient amplifiés et se succédaient à une folle vitesse.
L’auteur ne pouvait ne pas imaginer et taire les joies et ravissements exprimés sans retenue aucune, dans les foyers juifs.
A l’intra-muros des Palestiniens c’était le deuil qui s’y installait. Il va s’installer pour toujours. Un vent de haine s’était infiltré dans les cœurs et ne manquera pas de s’éterniser. Des atrocités allaient être perpétrées à Deir Yacine et dans d’autres localités palestiniennes devenues occupées ; Sinoué va scrupuleusement les décrire.
Et, ce fût la Nakba !
Et, ce fût l’exode !
Et, tout se fût (…) et se fait tous les jours !
Sans que la moindre décision soit prise pour mettre fin à ce massacre d’êtres humains !
Gilbert Sinoué ne s’est pas limité à la seule PALESTINE, à vous de découvrir toute l’étendue de cette captivante saga historico-romancée sur le Moyen-Orient. Lecture, soyez certains très instructive.
A.A.S