Par Amna Atallah SOULA
Qu’éprouve un jeune enfant qui voit couler un déluge de larmes, celles de son père ? Yasmina Khadra nous le fait ressentir dans la chair, nous le fait vivre ô que diablement fort !
C’est une hache qui a brisé l’espoir de cet homme vénéré « il était à deux doigts du salut » ; il jubilait à l’idée que dans trois jours, il allait récolter ce qu’il avait semé. Le feu a ravagé son champ de blé et tout le rêve avec !
Contraint de quitter la misère de la famille, l’enfant était incapable de saisir qu’il était une « mutilation » à la mère qui avait la grâce et l’allure d’une sultane malgré sa pauvreté. A son départ pas une larme n’a coulée « elle pleurerait plus tard ». La symbolique est là, l’Algérie est là !
Khadra, dans cette œuvre pétrie d’intenses émotions, d’ombres et de lumière : par moments la mélancolie, les ténèbres l’emportent, dans d’autres il est dans un style lyrique, égayant, revigorant.
Il excelle dans la description des personnes, des choses et des évènements. Le père trainant à plat ventre à côté d’un caniveau incapable de cacher son ébriété « évoquant un vieux cheval malade écrasé par terre ». A l’opposé, Emilie, le premier amour, l’éternel, l’ange tombé du ciel à laquelle l’enfant avait glissé à la dérobée une rose dans le livre. Et vient le réjouissant récit des aventures amusantes des quatre inséparables, amis d’école « les doigts de la fourche » dont le héros (Younès devenu Jonas) est le seul arabe…Il s’agit de l’Algérie des années trente.
Yasmina Khadra, à la fin de son touchant récit sur l’Algérie occupée des années trente, situe son héros redevenu Younès, à Aix- En-Provence, bien après l’indépendance de son pays. Il est venu, là, se recueillir sur la tombe d’Emilie. C’est aussi l’heure des retrouvailles « des doigts de la fourche » l’heure des souvenirs personnels et communs, l’heure de la « nostalgérie » ...
A. A. S.