Par Hassan GHEIDRI
En 2014, quand l’Etat tunisien envisageait d’intégrer la solution électronucléaire dans son bouquet énergétique national, une étude d’évaluation des risques sismiques a été réalisée pour le choix du site devant abriter la future première centrale électronucléaire…
Deux sites candidats ont été envisageables, situé respectivement à La Marsa dans le golf de Tunis au nord du pays, et à Skhira sur le littoral de golf de Gabès au sud. L’objet de l’étude était d’évaluer l’aléa sismique à partir d’une approche probabiliste, c’est-à-dire estimer période de retour, ou temps de retour, correspondant à la durée moyenne au cours de laquelle statistiquement un séisme d’une forte magnitude se reproduit. Pour ledit projet, l’étude a porté sur une période située entre 475 ans et 10 000 ans et a permis de constater que la sismicité de la Tunisie est modérée mais sans complètement rejeter la probabilité de séismes destructeurs.
Devenues remarquablement fréquentes ces derniers jours, les secousses telluriques enregistrées dans plusieurs régions de la Tunisie provoquent les inquiétudes de la population et suscitent la curiosité des spécialistes. Les données statistiques publiées par l’Institut national de la météorologie font état de dix (10) événements sismiques signalés entre 3 et 19 février courant. Soit l’équivalent des secousses enregistrées entre le 28 novembre 2024 et le 24 janvier 2025. L’INM ne communique généralement que les événements de magnitude supérieure ou égale à 3 sur l’échelle de Richter. Seules les secousses inférieures à cette valeur mais qui sont ressenties par les citoyens, peuvent toutefois être déclarée.
D’après le site spécialisé dans l’activité sismique dans le monde, (Allquakes.com) qui possède une des bases de données sismiques les plus complètes disponibles en ligne regroupant des données provenant de plus de 60 agences sismiques nationales et internationales mises à jour toutes les minutes, la Tunisie enregistre en moyenne 36 séismes par an.
Il ressort, cependant des données concernant la Tunisie, que le nombre de séismes d’une magnitude supérieure à 1 qui est signalé dans notre pays au cours des derniers 7 jours, a été trois fois et demi plus grand que d’habitude (6 au total contre 1.3 en moyenne). Et de conclure qu’il y a une nette augmentation des séismes détectés au cours des derniers 7 jours avec une forte augmentation des petits séismes de magnitude autour de 3. Dans l’ensemble, l’activité sismique était légèrement au-dessus de la moyenne (7% supérieure à la normale).
L’enregistrement de l’activité sismique au cours des cinquante dernières années en Tunisie a permis à l’INM de constituer un catalogue de la sismicité qui fait aujourd’hui état d’environ 2000 enregistrements. Ce catalogue établi par les services de géophysique, permet d’identifier les épicentres des séismes et de distinguer par le même fait les régions s’exposant régulièrement à l’activité sismique. Et comme nous l’avons précédemment noté, l’intérêt des géophysiciens portent surtout sur les séismes de forte magnitude et particulièrement au risque de retour déjà mis en évidence par l’étude d’évaluation des risques sismiques réalisée dans le cadre du projet de construction d’une centrale nucléaire qui a finalement été abandonnée. Il ressort en effet, du catalogue de sismicité élaboré par l’INM que les régions de Bizerte, et à moindre degré Tunis et les villes du Sahel sont les plus exposées au risque de retour sismique. Hassan Hamdi, ingénieur chef de service de géophysique appliquée à l’INM avait auparavant expliqué au Quotidien que plusieurs autres études sismologiques et sismotectoniques classent Tunis et ses banlieues comme étant une zone exposée au risque sismique. Et de noter que des séismes de référence sont prises en compte dans l’évaluation de la période de retour sismique ont touché la région de Tunis, notamment le plus fort enregistré en 412 à Utique (Tunis-Bizerte) et qui avait une magnitude 6,8, outre les séismes du 1 décembre 1970, de 954 et 956).
Enfin, si l’activité sismique récente est plus fréquente en Tunisie qu’à l’ordinaire, bien que demeurant dans la plage normale des mouvements tectoniques enregistrés, les autorités doivent toutefois redoubler de vigilance et imposer des règles plus strictes en matière de normes de construction parasismique, en particulier dans les régions où des secousses ont déjà été ressenties. L’amélioration des systèmes de surveillance permet de prévenir et maîtriser les dangers liés aux secousses telluriques est également primordiale.
H.G.