Par Hassan GHEDIRI
La pêche illicite, le partage du quota du thon rouge, l’indemnisation du repos biologique et la géolocalisation. Voilà les plus gros sujets de discorde entre l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP) et le ministère de tutelle.
Ils ont été exposés hier lors d’une conférence de presse, par Salah Hdider, le vice-président de l’organisation syndicale chargé de la pêche. Il faut dire que c’est toujours le sujet du thon rouge qui attise toutes les convoitises et suscite beaucoup de curiosités. Le quota de la Tunisie fixé à 3000 tonnes par an est aujourd’hui réparti entre une quarantaine de thoniers et est exclusivement destiné à l’exportation. L’UTAP pense, toutefois, que les consommateurs tunisiens devraient pouvoir bénéficier de cette richesse. «Nous appelons les autorités à ce que 10% du quotas soit destiné à la consommation locale», a annoncé le vice-président de l’UTAP.
Après avoir adopté une méthode de répartition des quotas de thon rouge au cours des années 2018, 2019 et 2020 de manière participative et transparente dans le cadre d’un accord-cadre entre l’UTAP et le ministère de l’Agriculture, ce dernier a fait marche arrière, en 2024, avec sa gestion unilatérale du dossier du thon rouge qui est appliquée cette année. D’après le conférencier, le ministère refuse d’élargir le champ d’application du système de quota en attribuant une part aux navires de pêche au filet selon des critères bien définis
Hdider pense que le secteur de la pêche est le parent pauvre des politiques agricoles. Pourtant, il s’agit du troisième secteur agricole après l’huile d’olive et les dattes, en ce qui concerne les exportations qui s’élèvent à près de 850 millions de dinars par an. Ce secteur revêt également une grande importance en termes d’emploi et de moyens de subsistance pour plus de 120 mille familles, directement et indirectement.
Malgré son importance économique et sociale, le secteur reste confronté à des problèmes chroniques aggravés par la politique d’exclusion pratiquée par la tutelle. L’UTAP dénonce la passivité des autorités compétentes face à la pêche illicite malgré les nombreux appels à mettre en œuvre un plan d’action pour la préservation des ressources halieutiques et la lutte contre les dépassements qui se prolifèrent en l’absence de la surveillance et la démission de l’administration. Une intervention urgente et ferme est indispensable pour stopper l’hémorragie.
Géolocalisation défaillante?
Le vice-président de l’UTAP met d’autre part l’accent sur les dysfonctionnements caractérisant le système national de surveillance de l’activité des navires de pêche maritime par satellite (VMS). Ce système de géolocalisation qui permet de suivre la position des bateaux de pêche de plus de 15 mètres est opérationnel depuis 2021. Il présente, toutefois, aujourd’hui plusieurs anomalies techniques qui sont en train de nuire aux intérêts des pêchers. Cette application longtemps revendiquée par les professionnels est devenue un cauchemar à cause des pénalités qui leur sont indument infligées. «L’échec du système VMS est le résultat direct du manque de transparence dans l’attribution de la responsabilité de l’exploitation du système, qui a été monopolisé par une entreprise privée qui n’a pas respecté ses engagements et est devenue une épée de Damoclès suspendue au cou des professionnels», déplore-t-on du côté de l’UTAP qui pense que beaucoup d’amendes sont injustifiées.
Le repos biologique représente un autre sujet de discorde entre la profession et l’administration. L’organisation syndicale ne comprend pas les motifs ayant poussé l’autorité de tutelle à écarter les représentants de la profession des comités nationaux et régionaux chargés de la sélection des bateaux bénéficiant des subventions relatives au repos biologique
L’administration a également modifié arbitrairement et sans consulter l’UTAP la période du repos biologique, fixée cette année du 15 juillet au 15 octobre, au lieu du 1er juillet au 1er octobre. Un changement décidé de façon unilatérale qui aura, selon le responsable de l’UTAP, des répercussions négatives sur les stocks de poissons, et ce d’après l’avis des scientifiques et l’expérience des pêcheurs.
Créé en 2009 et financé exclusivement par la profession (2 % de la valeur à l’exportation et 1 % en cas de vente locale), le fonds du repos biologique, censé servir à indemniser les pécheurs opérant dans le golfe de Gabès pendant la cessation de leur activité, ne remplit plus sa fonction selon le responsable de l’UTAP. «Seul un tiers de ses ressources est distribué sous forme de subvention à la catégorie de bateaux concernés par le bénéfice du fonds, tandis que les autres fonds alloués (environ 12 millions de dinars par an en plus des revenus de la capture et de l’engraissement du thon rouge) ne sont pas gérés dans la transparence. Pour pallier cette anomalie, l’UTAP appelle à la création d’un comité national paritaire entre la profession et les autorités de contrôle, dont les travaux sont encadrés par un texte réglementaire. Sa mission est d’envisager la diversification des sources de financement du Fonds de repos biologique et d’élargir ses interventions à d’autres secteurs et régions touchés.
H.G.