L'Observatoire Tunisien de l'Economie (OTE) a appelé, la semaine dernière, dans une note sur l'indépendance de la Banque centrale et la réforme de la politique monétaire, à réviser la loi 72 régissant l'activité des sociétés non résidentes pour mettre fin à la dépendance au régime « préférentiel » permettant le transfert des bénéfices de ces sociétés à l'étranger et de les soumettre au régime national de change, tout en demandant que leurs bénéfices réalisés, au titre de leurs opérations d'exportation, soient injectés dans les réserves de change du pays
La Tunisie perd annuellement l'équivalent de 4,3 milliards de dinars de devises étrangères, selon les données statistiques officielles, à la suite de l’application des dispositions du régime « préférentiel » régissant l’activité des sociétés non résidentes en vertu de la loi 72, qui n'a pas été révisée de manière significative depuis son adoption malgré sa faible efficacité avérée, tant sur le plan de développement qu’au niveau financier
Les données statistiques révèlent, également, que si la Tunisie n'avait pas accordé tant d’avantages aux sociétés non résidentes au cours des cinq dernières décennies, elle aurait pu éviter de recourir massivement aux prêts étrangers tout en accumulant un excédent important de devises étrangères.
Les sociétés non résidentes opérant en Tunisie en vertu de la loi 72 ne sont pas soumises au régime national de change et ne bénéficient pas des réserves de devises de la Banque centrale lors de leurs opérations d’importations, mais elles ne rapatrient pas non plus leurs fonds de l'étranger par le biais de la banque centrale lors des opérations d'exportation, bien qu'elles effectuent leurs activités de production sur le territoire tunisien, ce qui les soumet normalement au régime de change appliqué au niveau national.
En outre, il existe un écart conséquent entre les exportations et les importations de ces sociétés non résidentes, ce qui a entraîné d'énormes pertes pour la Tunisie en devises étrangères. Ces pertes sont aussi importantes à tel point qu’elles dépassent les besoins du pays en emprunts extérieurs, et si la Tunisie avait intégré les sociétés non résidentes dans le système de change, elle aurait pu éviter de recourir massivement à ces emprunts onéreux, précise la note de l’OTE.
D'autre part, les données statistiques indiquent que le nombre de ces sociétés dépasse les 29 mille entreprises, et que la part des entreprises détenues par des étrangers est de 41%, tandis que 80% du total des entreprises étrangères ne sont pas résidentes, sachant que les entreprises non résidentes bénéficient d’avantages fiscaux, financiers et réglementaires couteux. De plus, les entreprises non résidentes, dont les capitaux sont détenus à plus de 66% par des étrangers, bénéficient d'un avantage qui consiste en la possibilité de ne pas rapatrier la contre- valeur de leurs exportations conformément à l'article 6 de la loi d'avril 1972.
Selon l’OTE, cet « avantage » constitue une forme d'encouragement légal à la fuite des capitaux et à la protection du capital étranger contre les répercussions néfastes de la dépréciation du dinar tunisien, d’ailleurs, plusieurs rapports et études, ont confirmé que l'excédent commercial accumulé dans le système non résident a atteint 34 476 millions de dinars pendant la période 2002-2011, soit une moyenne annuelle de 3 447,6 millions de dinars, et a augmenté pendant la période 2012-2021 pour atteindre 87 007,5 millions de dinars, soit une moyenne annuelle de 8 700,7 millions de dinars.