Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
L’ARP débattra prochainement d’un projet de loi portant sur la lutte contre la sorcellerie et le charlatanisme. Que prévoit ce projet et quel est le sort des pratiques religieuses telles que la Roqya si cette proposition législatives est adoptée?
Même si la loi prévoit actuellement des peines lourdes contre toutes les pratiques portant sur la sorcellerie et le charlatanisme ainsi que l’exorcisme, le phénomène est tellement répandu en Tunisie que certains spécialistes avancent le chiffre de 1 milliard de dinars généré chaque année par ce trafic qualifié jurdiquement par la loi comme un délit d’escroquerie, «par ces temps de crises, tous les moyens sont bons pour savoir ce que l’avenir nous réserve», nous dira Sinda qui n’hésite pas à consulter sa voyante préférée à chaque fois que «les choses vont mal».
Selon un sondage réalisé en 2018, 7 Tunisiens sur 10 disent avoir consulté un voyant, lire son horoscope voire subir une Rogya au moins une fois dans sa vie. Alors, les dérapages sont monnaie courante dans ce secteur. En témoigne l’affaire du guérisseur de l’Ariana qui a abusé de plus de 800 femmes, «Il s’appelle Belgacem. Il se présente en tant que guérisseur doté de pouvoirs surnaturels. A son actif, des centaines de victimes. Sur sa page Facebook, il prétend des miracles grâce à son «sperme béni». Débarrasser ses clients des mauvais esprits et des sorts qu’on leur aurait lancés», peut-on lire sur le site de Business news.
Manipulation et lavage de cerveau sont ses atouts. D’après le témoignage de l’une de ses victimes, son jeu consiste à convaincre des jeunes filles «désespérées» qu’elles sont possédées par des démons, en particulier de djinn achek (un esprit qui, dans le folklore arabo-musulman, tombe amoureux d’un être humain et l’habite l’empêchant ainsi de construire des relations de couple». Et c’est justement ce genre de dérapage qui est à l’origine de cette proposition de loi visant à lutter par le biais d’un texte juridique contre ces charlatans et autres faux guérisseurs...
Sensibilisation ...
Selon la députée Fatma Mseddi, à l’origine de ce projet de loi: «Les charlatans profitent aujourd’hui du vide juridique existant pour abuser, soustraire de l’argent et arnaquer leurs victimes. Malheureusement, l’article 221 du code pénal qualifie ce genre de pratiques de délits d’escroquerie, ce qui a créé un flou dans l’interprétation du texte. De fait, cette proposition de loi vise à combler ce vide». Quel est le sort, en effet, des pratiques religieuses telles que la Roqya si cette proposition législative est adoptée?
Pour les spécialistes en théologie: «La Roqya (arabe : الرقية), ou Ruqiya charia, est une utilisation de la parole divine propre à l’Islam. Elle fait partie d’un corps large de la médecine islamique appelé «médecine prophétique». Il s’agit ainsi d’un ensemble de méthodes spirituelles qui consisteraient, selon ses adeptes, à guérir des maladies occultes, comme la possession, par la récitation de versets coraniques.
Et même s’il s’agit d’un rituel musulman, la Rogya est aussi au centre de plusieurs polémiques. En effet, au mois de décembre 2019, une jeune femme a porté plainte contre l’imam de Montpellier, en France, Mohamed Khattabi, proche de Tariq Ramadan, pour des agressions sexuelles et des viols qui se seraient produits lors de séances d’exorcisme.
Janvier 2021, Mohamed Khattabi est poursuivi en justice par sa belle-fille qui porte plainte. Elle l’accuse de l’avoir agressée sexuellement durant 2 ans lorsqu’elle avait 14 ans, lors de séances de roqya.
M.B.S.M.