L’édition 2024 du prix international de la fiction arabe (IPAF) a livré hier son grand secret et c’est le romancier palestinien Bassem Khandakgi, détenu dans les prisons israéliennes depuis 2004 qui a remporté dimanche le Prix international de la fiction arabe (IPAF), une des récompenses littéraires les plus prestigieuses du monde arabe. Le roman gagnant s’intitule « Un masque avec la couleur du ciel »
En l’absence de l’auteur, le prix a été remis à la propriétaire de la maison d'édition basée au Liban, lors d'une cérémonie à Abou Dhabi. Selon le président du jury de cette année, Nabil Suleiman, le roman « dissèque une réalité complexe et amère de fragmentation familiale, de déplacement, de génocide et de racisme ».
« Un masque avec la couleur du ciel » (Qinaaoun Bi lawn essama) de Bassen Khandakgi a figuré sur une liste de 16 romans candidats pour le Prix international de la fiction arabe (IPAF), connu communément par le « Booker du roman arabe ».
La liste comporte également deux romans tunisiens, à savoir, « La lectrice de la rue Dabbaghine » de Sofien Ben Rejeb, paru aux éditions « Masciliana » et « Je cache la passion » de Dorra Fazaâ, publié par Sindbad Editions.
C’était pour la première fois que la short- liste comporte une œuvre d’un écrivain prisonnier, une œuvre qui a été écrite avec passion et patience, derrière les barreaux de prison, dans la cellule de détention. La récompense de ce roman constitue une belle victoire pour cet écrivain palestinien qui malgré tout a réussi à échapper de la censure et arriver avec son roman à cette étape avancée et pour la littérature de résistance et pour également la cause palestinienne.
Condamné à la prison à vie, Bassem Khandakgi a déjà passé presque vingt ans, dans les geôles israéliennes. Originaire de Naplouse, né en 1983, il a étudié à l’Université nationale An-Najah, au département du journalisme. Il a été arrêté par les forces d’occupation israéliennes le 2 novembre 2004 et condamné à la prison à vie. Journaliste et écrivain, il a choisi de faire des mots et des idées son arme de bataille. « Seul le corps peut aller en prison, l’esprit ne peut être prisonnier, on ne peut pas attraper le vent » comme l’a écrit l’écrivaine palestinienne Sahar Khalifa.
Alors malgré les années d’emprisonnement et les conditions de détention inhumaines dans les prisons israéliennes, Bassem Khandakgi a poursuit ses recherches académiques et a fait de l’écriture sa voie et sa raison d’être. Et c’est ainsi que quatre romans ont déjà vu le jour : « Le souffle d’une femme trahie», paru en 2014, « Le narcisse de la solitude », paru en 2017, « L’éclipse de Badr al-Din », paru en 2018 et « Un masque avec la couleur du ciel », publié en 2022 par Dar al-Adab à Beyrouth. A ces quatre romans s’ajoutent quelques recueils de poésie et une étude sur la femme palestinienne.
Tiraillement…
Le nouveau roman fait partie d’un projet comportant trois romans intitulé « la trilogie de miroirs ».
Le roman raconte une étape de la vie de l’archéologue Nour Al-Shahdi, né et grandi dans un camp de réfugiés près de Ramallah, qui décide de se faire passer pour Orr Shapira, le juif qui a trouvé sa carte d’identité dans la poche d’un manteau usagé acheté d’une friperie, dans la ville occupée de Yafa (Jaffa). Il ose alors assister à des conférences profitant de cette liberté de circulation qu’offre la nouvelle identité et il s’inscrit même dans l’Institut israélien Albright des sciences archéologiques, participant à des fouilles et explorant l’histoire palestinienne saccagée afin de consolider sa « palestinalité »…
Nour Al-Shahdi mène le lecteur dans une balade dans les rues et les ruelles de plusieurs villes palestinienne, posant des questions à la fois personnelle et collective telles que : Que signifie être Palestinien ? Comment vivre et jouir de sa « palestinalité » quand on est entouré de tous les moyens de domestication, quand tous les pouvoirs se sont mis d’accord à tout falsifier, à tout effacer, à tout masquer pour qu’il ne reste sur cette terre qu’Israël
« Un masque avec la couleur du ciel », un roman libre et libérateur non seulement pour son auteur mais aussi pour de nombreux détenus palestiniens dans les prisons de l’occupant. Le roman est disponible dans les librairies tunisiennes, dans une édition tunisienne, parue chez la Maison du livre-Tunisie.
Imen ABDERRAHMANI