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Des médicaments essentiels introuvables : une rupture troublante

Par Hassan GHEDIRI

Depuis quelque temps, il semble que la disponibilité de plusieurs médicaments essentiels pour le traitement des pathologies chroniques est grandement perturbée en Tunisie.

Leila, membre d’une association caritative qui œuvre pour venir en aide aux familles nécessiteuses, ne sait plus quoi dire à tous ceux qui l’appellent pour se plaindre du manque de médicaments essentiels pour le traitement de plusieurs maladies graves. Si elle ne trouve souvent pas de souci pour se procurer des médicaments destinés aux maladies dites «ordinaires», telles que les anti-inflammatoires, les antalgiques, les antibiotiques et autres, elle se trouve en revanche complètement impuissante devant des dizaines de malades cancéreux, hypertendus et même psychiatriques. C’est que, depuis plusieurs semaines, Leila et plusieurs autres bénévoles engagés à ses côtés pour apaiser les souffrances des malades majoritairement pauvres constatent que beaucoup de médicaments sont introuvables dans les pharmacies du pays. C’est le cas par exemple du «Gardenal» utilisé dans le traitement de certaines formes d’épilepsie de l’adulte et de l’enfant. Cet anticonvulsivant dont la boite de 20 comprimés coûte moins de 0d500 est introuvable. «Imaginez un instant comment un malade épileptique peu vivre sans ce traitement», a écrit Leila, indignée, sur sa page Facebook. Comme elle nous a affirmé que «Gardenal» est l’un d’une longue liste de médicaments vitaux qui manquent aujourd’hui dans les rayons des officines. 

En faisant des recherches dans le web on a pu apprendre que ce même anticonvulsivant, qui appartient à la famille des «médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), a fait l’objet de difficultés d’approvisionnement dans plusieurs pays au cours de l’année 2024. Il est d’ailleurs toujours indisponible en France, et ce, d’après la liste publiée par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de France). Cette agence qui actualise régulièrement les données de disponibilité et qui signale les perturbations d’approvisionnement des médicaments sur le marché français, mentionne que le Gardenal est toujours sous tension d’approvisionnement depuis la mise à jour du 20 novembre 2024. 

Bouleversements 

Les tensions d’approvisionnement signalées en France semblent en effet toucher beaucoup de pays dans le monde. «La Tunisie n’est pas une exception», c’est justement ce qu’a tenu à nous affirmer Mustapha Laâroussi, le président du Conseil de l’ordre des pharmaciens de Tunisie (COPT). Contacté pour nous éclairer sur le manque des médicaments qui embarrasse Leila et ses camarades et inquiète beaucoup de malades, Laâroussi assure que pour les médicaments fabriqués localement, il n’existe aucun problème de pénurie. Aujourd’hui, les problèmes d’approvisionnement des principes actifs entrant dans la composition des médicaments fabriqués et vendus en Tunisie sont presque finis. Le président du COPT pense d’ailleurs que l’industrie pharmaceutique nationale marche normalement et produit l’essentiel des médicaments consommés en Tunisie. Pour ce qui est des médicaments qui faisaient actuellement l’objet de tensions d’approvisionnement en Tunisie et dans le monde, ceci est la conséquence, toujours d’après Laâroussi, des bouleversements que vit aujourd’hui l’industrie pharmaceutique à l’échelle mondiale. «Le monde est en train de changer et la fabrication des médicaments est en passe de se transformer radicalement», explique-t-il. Et de souligner que le COPT va bientôt se pencher sur cette problématique d’actualité brûlante lors d’un forum qui traitera du sujet des médicaments à l’ère de l’intelligence artificielle. «Nous allons tenter de comprendre où va la pharmacie dans le monde et réfléchir sur le nouveau modèle qui émergera et que personne ne connaît aujourd’hui», explique-t-il. Une nouvelle donne qui doit inciter la Tunisie à investir davantage dans la recherche et l’innovation dans le domaine pharmaceutique. La nouvelle plateforme numérique qui vient d’être lancée par l’Agence nationale des médicaments et des produits de santé (ANMPS) devrait aider, selon le président du COPT, à moderniser le secteur des médicaments, notamment à travers la simplification des procédures d’octroi des fameuses autorisations de mise sur le marché (AMM).

H. G.

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