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Editorial : ONU soit qui mal y pense … Par Chokri BACCOUCHE

En octobre 2025, l’Organisation des Nations unies soufflera sa 80e bougie. 80 bâtons est certainement un âge mûr, diront certains, mais aussi un âge d’usure et il faut reconnaître à ce titre que l’héritière de la Société des Nations, qui a été créée en 1945 pour prévenir les atrocités issues des deux guerres mondiale, a ardemment besoin aujourd’hui d’une cure de jouvence pour être en phase avec les bouleversements majeurs qui s’opèrent à l’échelle internationale et répondre aux besoins et attentes majeurs de l’ensemble de la communauté internationale. L’actuel secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui s’est distingué par son intégrité morale et intellectuelle et ses positions objectives et courageuses durant la récente guerre à Gaza, ne cesse de plaider à ce titre en faveur d’une réforme profonde de l’Organisation onusienne. Il a souligné récemment la nécessité de «réformer les institutions construites par un monde passé, pour une époque révolue». Les propos éminemment réalistes de M. Guterres traduisent, en fait, les aspirations de l’écrasante majorité des pays membres de l’ONU qui plaident en faveur de l’instauration d’un système international plus solide et surtout inclusif, adapté aux évolutions de la société mondiale.

L’une des critiques les plus accablantes formulées à l’encontre du Conseil de sécurité des Nations unies concerne son manque de légitimité. Sa composition est de plus en plus considérée comme non représentative de la communauté internationale.  En particulier, l’identité des membres permanents privilégiés disposant d’un droit de veto est souvent perçue comme étant en contradiction avec les réalités politiques mondiales modernes. Le Royaume-Uni et la France en particulier sont largement considérés comme ayant subi un déclin de leur statut mondial. Leur statut de membre permanent est considéré comme une relique de leur appartenance aux puissances alliées victorieuses à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis lors, d’autres États ont émergé en tant que puissances mondiales. Le Japon et l’Allemagne sont souvent présentés comme les principaux candidats au statut de membre permanent des Nations unies en raison de leur situation économique. Mais des puissances régionales ont émergé dans les régions sous-représentées du monde et peuvent également prétendre au statut de membre permanent. 

Autre pierre d’achoppement qui fait grincer pas mal de dents, notamment parmi les pays dits émergents; les dix membres non permanents du Conseil de sécurité des Nations unies sont élus selon une formule qui garantit qu’ils représentent les différentes régions du monde. Trois sièges sont réservés aux États africains, mais uniquement pour des mandats de deux ans. Il n’y a pas de voix africaine qui s’inscrit dans la constance et la cohérence. Une autre critique formulée à l’encontre du Conseil est qu’il réagit de manière incohérente, voire partiale, face aux crises internationales. Les États africains ont eu longtemps l’impression, et ils ont mille fois raison, d’être négligés par les principales puissances de cet organe. Par exemple, le souvenir de sa réponse inadéquate face au génocide rwandais continue d’affecter sa légitimité aux yeux des Africains. Même s’il existe aujourd’hui un large consensus sur la réforme de l’ONU, des divergences majeures persistent quant à la forme qu’elle devrait prendre. Ces désaccords concernent notamment l’équilibre entre les membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité. D’autres propositions émanant de certains pays posent davantage de problèmes et plaident en faveur de l’abolition ou de la réforme du droit de veto. Bref, la restructuration de l’Organisation onusienne ne s’annonce pas de tout repos,  car elle met en confrontation des intérêts diamétralement opposés. Si les pays africains revendiquent, à très juste titre, une meilleure représentativité, certaines puissances dominantes membres permanents du Conseil de sécurité cherchent à maintenir d’une certaine façon le statu quo en introduisant quelques menus changements sans plus.

Une chose est sûre cependant; la pérennité de l’ONU dépend aujourd’hui de sa capacité à évoluer tout en restant fidèle à ses principes fondateurs. Par souci de salubrité internationale et dans l’intérêt de tous, toute réforme de cette institution, qui demeure malgré tout un grand acquis pour l’ensemble de l’humanité, doit s’inscrire dans une perspective universaliste, adaptée aux réalités actuelles de la société internationale. Dans le contexte géopolitique actuel marqué par une montée inquiétante des tensions, il est plus que nécessaire de réformer le Conseil de sécurité afin de le rendre plus représentatif et efficace. «Honni soit qui mal y pense», la devise de l’ordre de la Jarretière, le plus important de la chevalerie britannique, n’a jamais été autant d’actualité pour la question du jour qui obnubile depuis quelque temps les attentions aux quatre coins de la planète. Cette locution qui signifie littéralement «honte à celui qui y voit du mal» tombe, en effet, à pic: honte à celui qui voit du mal à instaurer dans le monde un système plus solide et inclusif et surtout plus équitable et juste qui reste l’unique échappatoire et la seule alternative susceptible de prémunir l’ensemble de l’humanité des horreurs des guerres et les dérives des dictatures et des pogroms de triste et sinistre mémoire…

                                                                                                                                         C.B.

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