Elon Musk, l’homme le plus riche de l’Histoire, chargé par le nouveau président américain de piloter ce qui est appelée la ‘commission de l’efficacité gouvernementale’ (Doge), a annoncé lundi la suspension pure et simple de l’activité de la plus importance agence d’aide humanitaire et du développement économique à l’étranger à l’échelle du monde: USAID. Le milliardaire, qui se targue d’être un grand spécialiste de réduction des coûts à qui Donald Trump a confié le système de paiement du Trésor américain, n’a pas hésité une seconde de fermer les vannes de l’USA International Agency, bloquant par le même fait des aides de plus de 40 milliards de dollars distribuées chaque année dans le monde. L’offensive de Musk contre l’USAID a provoqué une onde de choc dans tous les pays bénéficiaires, notamment en Afrique. La Tunisie, elle aussi, sera affectée par l’arrêt des activités de l’USAID. Selon des chiffres diffusés par la diplomatie américaine, la Tunisie aurait reçu environ 85 millions de dollars d’aide, rien qu’en 2023. Cette somme était destinée à des projets de santé, de gouvernance et d’appui au développement économique. Très nombreuses sont en effet les initiatives soutenues par l’USAID en Tunisie, notamment dans l’entrepreneuriat et l’appui aux PME et qui vont désormais être stoppées. Cela représente un manque à gagner important, dans un pays qui dépend grandement de ce genre de financement dans le cadre des programmes de coopération internationale.
L’arrêt des aides américaines devrait toutefois servir de catalyseur pour une prise de conscience salutaire: la Tunisie, comme beaucoup de pays d’Afrique, doit accélérer son autonomie stratégique. La vérité est que l’aide internationale a toujours été un filet de sécurité fragile. Dans les pays de l’Afrique subsaharienne par exemple, l’aide publique au développement était d’environ 34 milliards de dollars en 2022 selon les chiffres de la Banque mondiale, soit près de 3 % du PIB régional. Pour la Tunisie, l’aide américaine représente moins de 0,2% de son PIB. Elle constitue néanmoins une contribution cruciale au financement des programmes clés comme la lutte contre le terrorisme. Si la fin de l’aide américaine est une contrainte sévère, elle pourrait aussi être une incitation pour les pays bénéficiaires à revoir leur modèle de développement. La dépendance aux financements étrangers a longtemps freiné l’émergence d’économies autonomes en Afrique, limitant la capacité des gouvernements à prendre des décisions indépendantes.
Ceci étant dit, la suspension de l’USAID devrait encourager la Tunisie à développer des stratégies alternatives, notamment en renforçant la coopération avec d’autres partenaires tels que la Chine et ses partenaires formant l’alliance des BRICS. Le cap doit également être mis sur le renforcement des capacités intérieures, avec une implication plus efficace du secteur privé tunisien qui pourrait jouer un rôle crucial en prenant le relais dans certains domaines où l’aide internationale se rétrécit. Par exemple, la transition vers une économie numérique et verte pourrait être accélérée grâce à des financements locaux et des partenariats public-privé.
En fait, l’aide internationale a toujours réduit l’autonomie des pays bénéficiaires dans plusieurs domaines économiques. Elle a certes permis certaines avancées, mais elle a aussi freiné l’autodéveloppement en créant une dépendance structurelle. La situation actuelle pourrait être l’occasion pour les pays touchés de se tourner vers une croissance plus autonome. L’exemple du Rwanda, qui a réduit sa dépendance aux aides extérieures en développant une économie basée sur l’innovation et les nouvelles technologies, est très inspirant. En Tunisie, des initiatives comme la promotion des start-up ou l’essor du secteur des énergies renouvelables pourraient permettre une transition similaire. La suppression des aides américaines doit être le point de départ d’un renforcement de la souveraineté économique africaine. La Tunisie qui est directement concernée par ce changement radical dans les politiques de coopérations américaine doit prendre des mesures rapides pour combler ce vide, en s’appuyant sur des ressources internes, des investissements stratégiques et une meilleure gestion des finances publiques. La dépendance aux aides étrangères ne doit plus être une fatalité, mais un chapitre à refermer pour construire un avenir plus autonome et résilient.
H.G.