Par Imen Abderrahmani
Figure marquante du cinéma tunisien qui nous a quittés le 6 février 2023. Abdellatif Ben Ammar sera à l’honneur à la Cinémathèque tunisienne aujourd’hui à 18h30, à l’occasion de la commémoration du 2ème anniversaire de son décès.
Pour rendre hommage à ce cinéaste qui a marqué de son empreinte la scène cinématographique nationale, la Cinémathèque tunisienne a opté pour la projection de « Sejnane », film culte de Abdellatif Ben Ammar, et ce à partir de 18h30, à la salle « Tahar Cheriaa ».
Outre la célébration d’une mémoire et d’une carrière d’un réalisateur tunisien qui a voué sa vie à la créativité et qui a contribué avec d’autres cinéastes de sa génération à l’évolution de la pratique cinématographique, la programmation de ce film se veut un dépoussiérage de la mémoire cinématographique et une occasion pour que les professionnels et les étudiants de cinéma surtout découvre cette œuvre phare du cinéma tunisien.
Deuxième long-métrage de Ben Ammar (1945-2023), « Sejnane », ce long-métrage de fiction (1973, 110mn), est lauréat du Tanit de Bronze des Journées cinématographiques Carthage (JCC), en 1974 et du prix spécial du jury au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), en 1976.
Côté casting, le film réunit une pléiade d’acteurs chevronnés parmi lesquels nous citons : Noureddine Mahfoudh, Bchira Cherif, Abdellatif Hamrouni, Jamil Joudi, Mouna Noureddine, Noureddine Kasbaoui, Ahmed Snoussi, Issa Harrath, Fadhel Jaïbi et Samir Ayadi.
« Kemal est interne au collège Sadiki. Depuis la mort de son père, assassiné par une organisation secrète coloniale, Kemal se pose des questions sur la situation politique de la Tunisie. Il trouve du travail dans une vieille imprimerie. Si Taïeb, le propriétaire, doit marier sa fille Anissa, contre son gré, à un homme qu’elle ne connaît pas. Dès lors, la vie de Kemal se scinde en deux : une vie sentimentale cachée, secrète, avec la fille de son patron, et une vie socio-professionnelle qui débouche sur des prises de positions politiques. Alors qu’Anissa assiste, soumise, à la préparation de son propre mariage, Kemal rejette de plus en plus l’ordre établi au point de se solidariser avec des mineurs en grève… », lit-on dans le synopsis de ce film.
Parcours riche en films et en collaborations
Militant culturel, passionné du 7ème art, Abdellatif Ben Ammar a choisi après avoir achevé ses études à l’Institut des Hautes études cinématographiques (IDHEC) de Paris de multiplier les expériences et d’élargir ses horizons artistiques, collaborant avec plusieurs réalisateurs tunisiens et étrangers. Opérateur dans des films comme « Octobre 65 » de Hassen Daldoul et « Confession d’un cannibale » de Moncef Ben Mrad, Abdelaltif Ben Ammar a collaboré également en tant qu’assistant opérateur et assistant réalisateur dans des films comme « Les Aventuriers » de Robert Enrico, « Indomptable Angélique » de Bernard Borderie, « Follow me » de Roberto Cavalloni, « Le Messie » de Roberto Rossellini, « Les Magiciens de Claude Chabrol »… Il a occupé aussi le poste de directeur de production dans le célèbre film de Franco Zeffirelli « Jésus de Nazareth », tourné en 1975 en Tunisie.
La filmographie riche entre courts et longs-métrages documentaires et de fiction, Abdellatif Ben Ammar a été est trois fois primé aux Journées cinématographiques Carthage (JCC) dont deux Tanits de Bronze pour « Une si simple histoire » 1970) et « Sejnane » (1974) et un Tanit d’Or pour « Aziza » (1980).
« Les palmiers blessés » a été le dernier film de ce militant culturel qui a choisi dans ses films d’interroger la mémoire collective et de raconter des fragments du combat national pour l’indépendance.
« Après le succès sans précédent de son premier long métrage « Une si simple histoire » première œuvre tunisienne à être sélectionnée pour participer à la compétition officielle du Festival international de Cannes en 1970, Abdelatif Ben Ammar n’eut de cesse à chercher à développer davantage son potentiel créatif en côtoyant de grands réalisateurs tels que Franco Zeffirelli ou Roberto Rossellini aspirant à réaliser son rêve de contribuer à l’émergence d’un cinéma national, qui exprime réellement les préoccupations et les tourments de notre société et ressuscite notre mémoire collective. C’est ainsi que son langage cinématographique va mûrir progressivement avec la réalisation successive de « Sejnane », de « Aziza » qui remporta le Tanit d’or aux Journées Cinématographiques de Carthage, puis « Le Chant de la Noria » et enfin « Les Palmiers Blessés » que Abdelatif ne voulait certainement pas qu’il soit sa dernière création. Dans ce film il a atteint un tel degré de maturité créative qu’il put y aborder trois thèmes brulants dans un style fluide, distingué et de haute facture : la bataille de l’évacuation, la guerre d’Algérie contre le terrorisme et la guerre du Golfe en Irak, à travers son immersion avec doigté et audace au plus profond de l’expérience existentielle d’une jeune fille qui peine dans sa quête d’informations sur son père mort en martyr avant de la voir naître. C’est ainsi qu’Abdelatif va creuser courageusement au plus profond de notre mémoire collective et déterrer des fragments de tragédies de notre passé proche et de notre douloureux présent », souligne Abderraouf Basti, homme politique et homme de lettres tunisien qui a côtoyé Feu Ben Ammar, dans un texte publié à l’occasion de la commémoration du 40ème jour du décès du regretté Abdellatif Ben Ammar, organisée le 17 mars 2023, à la Cinémathèque tunisienne.
I.A.