Par Chokri Baccouche
La politique tunisienne à l’égard de la Cause palestinienne est immuable, inaltérable, indéfectible. Depuis l’aube de l’indépendance, elle a fait sienne cette noble cause pour la liberté et l’autodétermination d’un peuple qui a souffert le martyre, plus de 70 ans durant, et lutté avec la force de la foi pour recouvrer ses droits spoliés et les attributs de la dignité dans un pays souverain. La Tunisie a payé cher cette position de principe intransigeante à Hammam-chott qui fut le théâtre d’une lâche attaque israélienne. Malgré les pressions et les actes d’intimidation dont l’origine est connue de tous pour la persuader de changer de cap, la Tunisie est restée stoïque et imperturbable, convaincue que cette position s’inscrit non seulement dans le droit fil de la justice mais constitue également le sens et l’essence de la charte de l’ONU relative au droit des peuples à l’autodétermination. «L’accélération inattendue et sans précédent des événements dans le monde d’aujourd’hui ne doit pas nous faire oublier le droit légitime du peuple palestinien à établir son Etat indépendant sur l’ensemble du territoire de la Palestine avec pour capitale Al-Qods Al-Charif», déclarait, avant-hier, Kaïs Saïed en recevant le ministre des Affaires étrangères, de l’Emigration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti. L’allusion du président de la République est claire : les bouleversements majeurs qui secouent actuellement le Moyen-Orient marqués par l’imposition de la domination américano-sioniste et l’affaiblissement du front de résistance à Israël et à ses alliés occidentaux ne sauraient effacer la juste Cause des Palestiniens, ni infléchir la position de la Tunisie.
Si elle fait l’unanimité auprès du peuple tunisien, cette position qui se distingue par sa clarté peut être désapprouvée par certains au motif que la Tunisie risque de perdre au change, qu’elle n’a pas les moyens de sa politique et que cette intransigeance ne sert pas, en définitive, les intérêts du pays dans la dure étape qu’elle traverse. Cela est peut-être vrai, mais la question est: que faut-il faire des principes, des valeurs de justice, d’équité, de liberté et du droit? Faut-il sacrifier toutes ces valeurs et ces principes au nom d’un confort personnel très hypothétique du reste, car en acceptant le fait accompli, on devient forcément à la merci des diktats et des desideratas de ceux qui ne manqueront pas de nous imposer la marche à suivre. C’est le chemin le plus court en fait de tout perdre, à savoir aussi bien la liberté, l’indépendance que la dignité.
N’ayons pas peur des mots, le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est régi par la loi de la jungle ayant pour crédo des pratiques dignes des gangsters du genre «tu plies ou tu casses», c’est-à-dire tu acceptes sans broncher la «loi du milieu» ou tu en subiras les fâcheuses conséquences en cas de refus. C’est aussi simple que cela. Aujourd’hui, on vous demande d’oublier la Palestine et, demain, il ne vous sera pas permis d’aller aux chiottes sans demander la permission. C’est un peu caricatural comme raisonnement, mais c’est la pure vérité. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs les plus hautes autorités de l’Etat tunisien ne cessent de plaider en faveur d’un ordre mondial plus juste fondé sur le droit et des relations internationales basées sur le respect entre les pays et les peuples. L’émergence de ce nouvel ordre mondial idyllique est un vœu pieux partagé par l’ensemble des peuples de la planète. En cela, la Tunisie figure certainement parmi les rares pays qui ont le mérite de crier tout haut ce que beaucoup de nations pensent tout bas, de peur de subir les représailles et le courroux de ceux qui cherchent par tous les moyens à maintenir le statu quo pour servir leurs propres intérêts.
Beaucoup plus qu’une question de principe, la position intransigeante de la Tunisie en faveur de la Cause palestinienne constitue en réalité un véritable hymne à la liberté et la paix entre les hommes. Elle se fait l’écho d’un vibrant appel à briser toutes les chaînes de la servitude et interpelle l’humanisme des hommes réellement libres. Les Palestiniens ont le droit de vivre en toute liberté dans un Etat indépendant comme tous les bipèdes. Les priver de ce droit revient à accepter de devenir l’apôtre du mal et le serviteur indigne de la tyrannie et de l’injustice. C’est dans les dures épreuves qu’on reconnaît ses véritables amis, dit un vieil adage. Le caractère et la personnalité du Tunisien sont justement trempés dans cet acier noble. Nos concitoyens qui l’ont prouvé, hier, en soutenant leurs frères algériens durant la guerre d’indépendance, sont tout aussi déterminés à prêter main-forte, aujourd’hui, à leurs frères palestiniens. Vaille que vaille et coûte que coûte. Et peu importe s’il faudrait, pour cela, nager à «contre-courant» dans la mesure où le plus important est d’arriver à destination et d’atteindre l’objectif recherché. Celui d’avoir contribué à briser les chaînes d’un peuple palestinien opprimé et milité en faveur du triomphe de la justice…
C.B.