Par Hassan GHEDIRI
La désindustrialisation de la Tunisie caractérisée par une baisse de la part de l’industrie manufacturière dans le PIB national, exige une réorientation des choix stratégiques…
Chaque année, près de 12 mille ingénieurs et plus de 60 mille diplômés de l’enseignement supérieur sortent des universités tunisiennes, dont un grand nombre dans les domaines des technologies de l’information, de l’électronique, de la mécanique et de l’énergie. Le pays compte également une trentaine d’établissements d’enseignement supérieur spécialisés en ingénierie, dont l’École Nationale d’Ingénieurs de Tunis (ENIT), reconnue à l’échelle régionale. Malgré ce réservoir de compétences, la Tunisie fait face à un paradoxe inquiétant qui est la fuite des cerveaux. Environ 3 mille ingénieurs quittent en effet le pays chaque année, attirés par les opportunités offertes à l’étranger, en particulier en Europe et dans l’Amérique du Nord. Un phénomème dont les causes sont désormais connues par tous, en l’occurrence les obstacles réglementaires, le manque de perspectives professionnelles et l’insuffisance de débouchés industriels à forte valeur ajoutée.
C’est dans l’objectif d’inverser cette tendance que s’inscrivait l’initiative de l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (APII) en collaboration avec l’agence allemande de la coopération internationale (GIZ) visant à promouvoir les secteurs promoteurs et économiquement très porteurs sur lesquels la Tunisie doit miser pour freiner le processus de la désindustrialisation et créer une dynamique de développement à forte intensité technologique.
À l’heure où la Tunisie tente avec beaucoup de difficultés à repositionner son économie sur des bases solides et durables, le document intitulé Guide d’idées de projets porteurs recense une quarantaine d’initiatives industrielles innovantes et durables, pensées pour accompagner la transition économique du pays vers une industrie plus compétitive, plus verte et plus connectée. La dynamique de désindustrialisation observée depuis plus d’une décennie, marquée par une baisse de la part de l’industrie manufacturière dans le PIB national, invite aujourd’hui à repenser les choix sectoriels. L’accent est mis sur des créneaux technologiques, circulaires et à forte valeur ajoutée, capables de générer de l’emploi qualifié, d’augmenter les exportations et de réduire la dépendance aux importations.
Créneaux technologiques
Parmi les projets mis en avant, les technologies liées à l’électromobilité et à la robotique industrielle occupent une place de choix. La fabrication de bornes de recharge pour véhicules électriques, le montage de batteries lithium ou encore la production de drones et de robots industriels s’inscrivent pleinement dans les grandes transitions mondiales. Ces créneaux combinent innovation, utilité publique et forte demande régionale. De même, le textile technique, bien au-delà du prêt-à-porter traditionnel, se réinvente avec des projets autour des textiles non-tissés pour l’industrie ou la santé, des vêtements techniques ou encore des chaussures de sport haut de gamme destinées à l’export.
L’économie circulaire, autre pilier de cette stratégie, inspire une série de projets allant du recyclage du cuir et du verre à la production de sacs biodégradables à base d’amidon. Ces solutions écologiques répondent non seulement à une conscience environnementale croissante mais aussi aux nouvelles exigences des marchés européens. Le secteur du bâtiment n’est pas en reste avec des matériaux innovants et durables comme les briques en terre crue ou le plâtre médical, adaptés aux réalités climatiques tunisiennes. L’agroalimentaire, quant à lui, offre des perspectives inédites à travers l’exploitation intelligente de ressources locales comme la figue de barbarie ou les dattes. Le développement de produits dérivés à usage cosmétique, thérapeutique ou nutritionnel permet à beaucoup de cultures ancestrales de bien se positionner sur les marchés local et à l’international. Pour soutenir ces initiatives, l’Etat tente de remédier aux dysfonctionnements et d’enlever les entraves à travers les réformes et la mise en place des mécanismes d’accompagnement et d’aides à l’investissement. Certaines primes peuvent couvrir jusqu’à 50 % de l’investissement initial pour certains projets innovants ou technologiques, en plus d’exonérations fiscales et d’un accès facilité à des dispositifs de financement. Il tâche également à simplifier l’accompagnement des porteurs de projets par les différents organismes publics et privés, de centres techniques et de pépinières d’entreprises. Le guide de l’APII expose ainsi les bons leviers d’investissement qui intègrent les tendances de l’industrie 4.0, de l’économie verte et des technologies propres, par le biais desquelles la Tunisie peut redevenir un acteur industriel de premier plan en Méditerranée et en Afrique.
H.G.