Les autorités de tutelle s'apprêtent à mettre en œuvre une augmentation importante du salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) sur les deux prochaines années.
Cette mesure, qui vise à améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs, se déclinera en deux phases distinctes.
Détails des accroissements
Selon les informations révélées, les salaires de base connaîtront une hausse de 7% en 2024, avec effet rétroactif au 1er mai 2024, suivie d'une augmentation de 7,5% à partir du 1er janvier 2025. Bien que les détails officiels n'aient pas encore été publiés au Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT), des estimations préliminaires permettent d'anticiper l'impact de ces augmentations.
Pour le régime de 48 heures hebdomadaires, le salaire de base du Smig devrait passer de 428,896 dinars tunisiens (TND) actuellement à 458,916 TND en 2024, puis à 493,337 TND en 2025. Les travailleurs sous le régime de 40 heures verront leur salaire de base augmenter de 360,692 TND à 385,940 TND en 2024, et atteindre 414,886 TND en 2025.
Ces chiffres ne tiennent pas compte de l'indemnité complémentaire provisoire, actuellement fixée à 30,368 TND pour le régime de 48 heures et 30,000 TND pour celui de 40 heures. Si cette indemnité reste inchangée, le Smig total pour le régime de 48 heures pourrait atteindre 495,284 TND en 2024 et 523,705 TND en 2025. Pour le régime de 40 heures, il pourrait s'élever à 415,940 TND en 2024 et 444,886 TND en 2025.
Les travailleurs bénéficieront également d'une prime mensuelle de transport de 36,112 TND et d'une prime de présence de 2,080 TND, venant s'ajouter à leur salaire de base.
Concernant le salaire minimum agricole garanti (Smag), il devrait connaître une évolution similaire, passant de 17,664 TND par jour actuellement à 18,900 TND en 2024, puis à 20,318 TND en 2025.
Maîtrise de l’inflation
Le taux d'inflation en Tunisie est actuellement autour de 6-7% par an. Dans ce contexte, l'impact des augmentations du SMIG et du SMAG sera difficile à isoler.
Les autorités surveilleront attentivement la situation pour éviter que ces hausses de salaires minimum n'alimentent une spirale prix-salaires incontrôlée. Leur objectif sera de garantir que les augmentations salariales améliorent le pouvoir d'achat sans provoquer une inflation excessive, en maintenant un équilibre entre croissance économique et stabilité des prix.
Impact
L'impact total de l'augmentation du SMIG sur 1 250 000 travailleurs (737 000 en régime 40 heures et 513 000 en régime 48 heures, selon les chiffres de l'INS pour 2022), en incluant les primes de transport et de présence, serait d'environ 981,98 millions de TND en 2024 et 1 449,87 millions de TND en 2025 soit globalement 2431,85 millions de TND.
En 2024, cette augmentation représenterait environ 0,64% du PIB tunisien estimé, et 0,93% en 2025. Bien que ces pourcentages restent relativement modestes à l'échelle de l'économie nationale, ils représentent une injection significative, particulièrement pour les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre et pour la consommation des ménages à faibles revenus.
L'impact réel sur l'économie pourrait être encore plus important si l'on prend en compte l'effet multiplicateur de ces augmentations de revenus sur la consommation et l'activité économique en général.
De plus, ces hausses du SMIG et SMAG pourraient avoir des effets indirects positifs sur d'autres secteurs de l'économie, en stimulant la demande intérieure et la production. Cependant, les entreprises devront aussi absorber une partie de ces surcoûts salariaux, ce qui pourrait peser sur leur compétitivité et leurs capacités d'embauche, surtout dans un contexte économique difficile post-Covid.
Impact sur les l'emploi
Bien que le SMIG augmente de 7% en 2024 puis de 7,5% en 2025, son niveau restera relativement bas en valeur absolue, atteignant 493 TND par mois pour un régime de 48 heures en 2025. Les travailleurs payés au SMIG ou SMAG représentent une part limitée de la main-d'œuvre totale, soit environ 800 000 sur 2,8 millions dans le secteur privé en 2019. De plus, les coûts salariaux directs ne constituent qu'une fraction des coûts totaux pour les entreprises, et leur hausse sera donc diluée dans les prix de vente.
Concurrence et productivité
Cependant, les entreprises pourraient faire face à des défis liés à l'augmentation des coûts salariaux, estimée à environ 15 % sur deux ans, nécessitant des ajustements en termes de gestion et de productivité. De plus, bien que cette augmentation puisse potentiellement stimuler la création d'emplois dans les secteurs bénéficiant de l'augmentation des dépenses, il existe un risque de pertes d'emplois dans les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre à bas salaires.
Ainsi, bien que cette injection représente un stimulus économique significatif, son efficacité dépendra de la capacité de l'économie tunisienne à absorber cette augmentation sans effets inflationnistes excessifs ou perturbations majeures du marché du travail.