À l'époque, Francileudo Santos figurait parmi les meilleurs buteurs de Ligue 1, au milieu de Djibril Cissé, Pauleta ou de son coéquipier à Sochaux, Pierre-Alain Frau. Revenu au Brésil, celui qui est toujours le meilleur buteur de la Tunisie à la CAN (10 réalisations) évoque, dans cette interview accordée à SoFoot, la plus grande année de sa carrière, et c’était avec les aigles de Carthage...
Que devenez-vous, Francileudo Santos ?
Je vis à Ze Doca, ma ville natale, dans l’État du Maranhão. En fait, à la fin de ma carrière, il y a sept ans (en Suisse, au FC Porrentruy, NDLR), j’ai voulu revenir vivre auprès de mes parents qui sont un peu âgés. Cela faisait 20 ans que j’avais quitté le Brésil. Je travaille à la mairie, aux sports. Je gère aussi une école de foot, où je travaille avec l’un de mes frères qui était professionnel au Brésil. On s’occupe de joueurs de 5 à 15 ans.
Il y a 20 ans, vous remportiez la CAN, à domicile, avec la Tunisie. Où situez-vous ce souvenir dans votre carrière ?
C’était un 14 février, si je ne me trompe pas. Chaque fois que je vois le but que j’ai marqué en finale, j’ai encore des frissons. Je sais que le peuple tunisien ne va jamais oublier ça. Cette victoire devant 60 000 personnes, c’était vraiment magique. Au coup de sifflet final, c’était vraiment la folie. Tout le monde courait partout. On ne vit pas ça tous les jours. J’ai aussi joué une Coupe du monde, mais j’étais blessé, alors cette finale de la Coupe d’Afrique, c’est vraiment le plus grand souvenir de ma carrière.
C’est Adel Chedli qui m’a encouragé à devenir Tunisien
Rappelez-nous comment vous vous êtes fait naturaliser un mois seulement avant la CAN ?
Tout a commencé avec Adel Chedli, qui était mon coéquipier à Sochaux. Il savait qu’un de mes enfants était né en Tunisie, quand j’évoluais à l’Étoile du Sahel, et il m’avait dit que cela me donnait le droit de prendre la nationalité tunisienne. Adel a parlé avec le président de la Fédération. Finalement, le président de la République, Zine el-Abidine Ben Ali, m’a donné la nationalité tunisienne. À partir de ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait que je fasse tout pour aider la Tunisie à gagner la CAN, et j’ai terminé meilleur buteur du tournoi (4 buts).
Votre décision n’avait toutefois pas plu au FC Sochaux…
Ils m’ont même menacé de ne plus me faire jouer, mais j’avais un contrat de cinq ans. Si je ne jouais plus, c’était leur problème, car j’étais le meilleur buteur de l’équipe avec Pierre-Alain Frau(1). Mais pour moi, les choses étaient claires : la Tunisie était mon pays, et j’allais tout donner pour mon pays. Après la CAN, les menaces n’ont pas été mises à exécution, et j’ai vite rejoué.
Avec les Aigles de Carthage, comment avez-vous été accueilli ?
Très bien. En fait, je connaissais déjà pas mal de joueurs après mes deux années à l’Étoile du Sahel (1998-2000). J’avais notamment joué avec Ziad Jaziri (son binôme à la pointe de l’attaque des Aigles, NDLR), qui devait alors avoir 19 ans. Il y avait aussi Clayton, un autre Brésilien, qui jouait en Tunisie et vient de la même région que moi. Et puis, j’ai intégré un groupe où tout le monde tirait dans le même sens. On m’avait pris pour marquer des buts. Les gens disaient que la Tunisie jouait bien, mais qu’il manquait un buteur. Dès mon premier match amical, j’ai marqué.
Quel message vous faisait passer Roger Lemerre ?
Il me disait simplement de marquer des buts. Il n’était pas bavard, mais savait trouver les mots justes pour nous motiver. La veille de la finale, il nous a martelé que c’était notre chance de rentrer dans l’histoire, qu’il fallait rester concentré pendant 90 minutes. En demi-finales, le Maroc avait écrasé le Mali (4-0), alors on savait que ce serait dur, mais on jouait à domicile et on avait vraiment envie de gagner cette CAN. Personnellement, j’ai eu du mal à dormir, mais une fois arrivé au stade, en voyant tous ces supporters, je me suis dit qu’on ne pouvait pas laisser passer cette opportunité.
Un autre entraîneur français a été important dans votre carrière…
Oui, Jean Fernandez. Il m’a d’abord entraîné à l’Étoile du Sahel. Le club m’avait pris à l’essai, et après deux jours, ils ont décidé de me conserver. Mon manager m’avait convaincu de passer ce test en me disant que la Tunisie était un pays chaud qui ressemblait au Brésil. J’avais 19 ans et je venais de passer un an à jouer avec la réserve au Standard de Liège. Jean Fernandez m’a beaucoup aidé. Quand je suis arrivé en France (en 2000), personne ne me connaissait. Il a pris un risque. On lui disait : « Tu ramènes un petit, comment veux-tu qu’il marque des buts ? » Ensuite, les gens ont changé d’avis. J’ai été meilleur buteur de Ligue 2 (2000-2001) et j’ai aidé le club à retrouver l’élite. Chez moi, quand la Tunisie joue, je mets le maillot et je sors le drapeau
Quels liens avez-vous conservés avec la Tunisie ?
Je reçois souvent des messages sur les réseaux. Je sais qu’on ne m’a pas oublié. Après 2004, c’était la folie, dans la rue tout le monde me remerciait. J’avais l’impression d’être un grand joueur, un Messi, un Cristiano. Avec les coéquipiers de 2004, on a aussi gardé le contact, surtout quand il y a un match de l’équipe nationale. Adel (Chedli) m’appelle. Clayton aussi, il s’est marié là-bas.
Allez-vous suivre la CAN cette année ?
Bien sûr. Quand la Tunisie joue, je mets le maillot, je sors le drapeau. À la maison, on supporte la Tunisie et le Brésil. Dans mon village, on me parle tout le temps de mes sélections. Je suis le seul habitant de Ze Doca à avoir joué une Coupe du monde (en 2006). Les gens regrettent simplement que je n’aie joué que 12 minutes, car j’étais blessé, mais ils étaient tous derrière la télé. Ici, il y a beaucoup de supporters de la Tunisie.
Mais, au fait, qu’est devenu votre fils qui vous a permis d’être naturalisé ?
Felipe-Leonard a longtemps joué au football. Je pensais qu’il deviendrait un grand joueur, c’était un milieu défensif, mais il a fini par privilégier les études. Je suis divorcé de sa mère, qui habite à 300 kilomètres, mais on se voit tout le temps.