Nous avons dit : « O Adam ! Habite avec ton épouse dans le jardin ; mangez de ces fruits comme vous le voudrez ; mais ne vous approchez pas de cet arbre, sinon vous seriez au nombre des injustes. »
Le Démon les fit trébucher et il les chassa du lieu où ils se trouvaient.
Nous avons dit : « Descendez, et vous serez ennemis les uns des autres. Vous trouverez, sur la terre, un lieu de séjour et de jouissance éphémère. »
Adam accueillit les paroles de son Seigneur et revint à lui, repentant. Dieu est, en vérité, celui gui revient sans cesse vers le pécheur repentant; il est miséricordieux.
Nous avons dit : « Descendez tous ! Une Direction vous sera certainement donnée de ma part.» – Ni crainte, ni tristesse n’affligeront ceux qui suivent ma Direction.
(Sourate 2, versets 35-38.)
Un ange, Iblis, va désobéir à cet ordre divin. En refusant, par orgueil, d’obéir à Dieu, il est déchu et devient Chaïtan : le Démon. C’est lui qui entraînera Adam et Eve dans la désobéissance et, par là même, dans la chute.
Une question se pose : comment un être de lumière comme Iblis a-t-il pu connaître l’orgueil qui appartient aux ténèbres ? Si Iblis intervient dès le début de l’humanité, c’est par décret divin. Dieu a préparé Iblis autant qu’Adam. Il l’a créé par amour pour Adam. Sa fonction est d’égarer l’homme car s’il n’y avait pas d’erreur et d’égarement, il ne pourrait y avoir de direction et de salut, et l’humanité n’existerait pas. Le mal participe à l’équilibre de la création.
Iblis a été chassé du paradis avec l’homme et nous ne pouvons pas éliminer cette dimension. Chacun porte Iblis en soi, comme les deux faces d’une médaille, l’une est angélique et l’autre démoniaque. Iblis symbolise notre ego (nafs), notre part d’ignorance et d’erreur. Mais c’est en nous attirant vers l’erreur qu’il nous renvoie vers la vérité. Iblis restera jusqu’au jugement dernier. Il sera le dernier que l’ange de la mort viendra chercher.
Un jour un faqir, en quittant Mostaganem, rencontra un homme qui lui demanda de l’emmener sur son cheval. Le faqir l’invita à monter et ils poursuivirent leur route. Soudain l’homme ceintura le faqir, le jeta à terre et s’enfuit avec la monture. Aussitôt le fakir lui cria : « Attends ! Attends !
Ne dis pas que tu as volé ce cheval. Je te le donne ! » Surpris, le voleur fit volte-face et lui dit : « Comment ! Je te vole ton cheval et tu me le donnes ? – Oui, je te le donne, car on saura vite en ville que je t’ai emmené sur mon cheval pour te rendre service et que tu me l’as volé. Alors plus personne n’osera rendre ce service à un autre. » Le faqir, voyant que ce vol deviendrait un préjudice pour la communauté, convertit ainsi le mal en bien.
Une histoire rapportée par Abderrahman al-Çafouri donne une autrecompréhension de la désobéissance d’Iblis. Moïse demanda à Iblis : « Pourquoi ne t’es-tu pas prosterné devant Adam ? » Et il répondit : « Je n’ai pas voulu être comme toi, car moi, je prétends L’aimer et je n’ai pas voulu me prosterner devant un autre que Lui. J’ai préféré le châtiment. Toi, tu prétendais L’aimer. Il t’a dit : « Regarde la montagne » et tu as regardé la montagne. Il fallait fermer les yeux, tu L’aurais vu. »
Eve
Lors de la fécondation, la première cellule qui se forme est indifférenciée. Elle n’est ni mâle ni femelle. De la même manière, l’être adamique, celui qui va recevoir tous les Noms, celui devant qui les anges vont se prosterner, n’est ni masculin ni féminin.
Il est l’androgyne primordial qui était déjà potentiellement contenu dans le minéral, puis dans le végétal, puis dans l’animal. C’est seulement au bout de ce processus, et comme parachèvement de la création, que naît l’être adamique. De lui, par dédoublement, viendra Eve et l’humanité. Eve symbolise, en vérité, la partie féminine et réceptive qui se trouve dans chaque être humain.
C’est Adam qui a fait le serment du dépôt. Eve ne s’est donc pas sentie autant concernée par cet engagement. C’est pour cette raison que, dans les Traditions, Eve tente Adam. La tentation, symbolisée par le principe féminin, a un sens. Elle est nécessaire à l’acte de création. Dans l’absolu elle oscille toujours entre le bien et le mal.
La partie féminine que chaque être humain a en soi est la part créative, portant le penchant de la tentation. Mais en passant à l’acte, elle devient le moyen de créer. Si elle n’était pas là, la création ne pourrait se réaliser. Quant à notre partie masculine, elle est le principe actif de l’esprit totalement impliqué par le serment primordial. Normalement, il ne devrait pas désobéir. C’est le principe féminin qui provoque la désobéissance, par la tentation, pour que la création commence.
L’homme réalisé se situe dans la transcendance du bien et du mal, dans le juste milieu, la voie de l’harmonie. Si sa négativité est pacifiée, elle ne perturbe plus le déroulement de sa vie. Il est alors situé dans cette limite où le bien et le mal se rencontrent et créent une harmonie. Dans cette situation, l’inspiration divine intervient pour le guider et neutraliser la confrontation intérieure entre le bien et le mal. C’est là le triomphe de l’homme équilibré qui agit dans la vie sans se blesser et sans blesser autrui.