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Editorial : Construire sur des bases solides … - Par Hassan GHEDIRI

Le projet d’amendement du Code du travail initié par le ministère des Affaires sociales, visant à interdire la sous-traitance de main-d’œuvre, constitue un tournant important dans la protection des travailleurs en Tunisie. En s’attaquant à ce que le président Kaïs Saïed qualifie d’«esclavage moderne», cette réforme ambitionne de garantir à chaque employé un travail digne et convenablement rémunéré.

Cependant, cette démarche, bien qu’animée par de nobles intentions, soulève de sérieuses interrogations quant à la méthode adoptée. L’élaboration du projet s’est faite sans concertation avec les partenaires sociaux : ni l’UGTT, principale centrale syndicale du pays, ni l’UTICA, représentant les employeurs, n’ont été associés aux discussions. Le choix de passer outre le dialogue social risque de fragiliser la réforme de compromettre son aboutissement. 

Aujourd’hui, se contentant d’exprimer son regret et son amertume, la jadis superpuissante organisation syndicale a pu garder, jusqu’à pas trop longtemps, ce qui semblait être une confiance en soi et un engagement à préserver le statut de partenaire social que l’on devait consulter dans les sujets touchant aux droits des travailleurs. En juillet dernier, lorsque l’idée de la réforme du Code du travail pour l’abolition de la cotraitance et des CDD commençait à devenir un sujet de préoccupation majeur pour le président de la République, l’UGTT n’avait-elle pas annoncé d’un ton menaçant que la «révision unilatérale du Code de travail» était une «ligne rouge» ? La centrale syndicale avait alors publié un communiqué pour exprimer son opposition à ce qu’elle considérait comme une négation des travailleurs et de leurs représentants légitimes que sont les syndicats. Se posant en farouche défenseur des droits de tous les travailleurs à un travail décent, l’UGTT rappelle militer depuis plus de 18 ans pour une révision du Code du travail tunisien, afin de mettre un terme à toutes les formes de travail précaire et d’assurer la dignité et la sécurité de l’emploi, conformément à la Constitution et aux normes internationales. Aujourd’hui, un silence assourdissant règne à la place Mohamed Ali Hammi, et la réforme du Code du travail poursuit son petit bonhomme de chemin.

Si l’UTICA observe pour l’instant un silence prudent, l’absence de mobilisation forte de la part des syndicats et du patronat laisse planer un doute sur l’appropriation collective de ce changement majeur. Or, l’avenir du travail en Tunisie ne saurait être déterminé de manière durable sans l’implication active de ceux qui façonnent quotidiennement la sphère économique et sociale : travailleurs, employeurs et pouvoirs publics.

La réussite de toute réforme touchant aux droits économiques et sociaux exige l’adhésion de l’ensemble des acteurs concernés. Elle repose sur un dialogue sincère et constructif, seul à même de concilier les impératifs de protection des travailleurs avec ceux de compétitivité et de pérennité des entreprises. En écartant les partenaires sociaux, on prend le risque d’imposer une réforme perçue comme déséquilibrée, générant crispations et résistances au lieu de fédérer autour d’une vision partagée du progrès social. Le Code du travail, pilier fondamental de la régulation des relations professionnelles, mérite mieux qu’une révision imposée d’en haut. Il doit être le fruit d’un véritable débat national, où chacun, travailleurs, employeurs, État trouve sa place et sa voix, dans le respect mutuel et l’intérêt général.

Garantir aux travailleurs un emploi digne et sécurisé, tout en assurant aux entreprises des conditions propices à leur développement, exige un contrat social renouvelé, fondé sur la confiance et la responsabilité collective. La concertation n’est pas un luxe, mais un des socles sur lesquels se construisent les sociétés solides…

H.G.

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