Par Imen Abderrahmani
Que reste-t-il la Rachidia qui vient de souffler sa 90ème bougie ? Pourquoi la Rachidia est aujourd’hui une institution à faible impact ? Que faire pour rendre cet édifice, à cette école, son aura d’antan ? Des questions qui seront au cœur d’une journée scientifique, explorant le passé et l’avenir de cet établissement musical.
D’une année à l’autre, la Rachidia, témoin d’une époque et vecteur d’un changement socio-culturel et même politique à l’époque, semble perdre ses adeptes. La Rachidia qui a été un passage obligé pour tout chanteur et pour tout musicien semble perdre sa place. Avec la montée des écoles de musique étatique comme privées et même aujourd’hui, les clubs du chant qui ont surgi comme des champignons ici et là, devenant une tendance, la Rachidia semble ne pas trouver le bon filon pour être dans l’air du temps, tout en restant fidèle à sa première mission : préserver et transmettre l’héritage musical tunisien. Cette école d’hier qui a vu naître de nombreuses belles voix et qui a été en tremplin de découvertes risque aujourd’hui de tomber dans l’oubli. Les interventions programmées, lors de cette journée scientifique placée sous le thème « La Rachidia, le flambeau de la musique tunisienne, entre passé glorieux et horizons d’avenir » tenteront d’examiner tant de problématiques et également de célébrer tant de réalisations.
Organisée par le Centre des musiques arabes et méditerranéennes (CMAM) en partenariat avec l’Institut Rachidi de musique tunisienne, cette journée démarrera avec une intervention de Amina Srarfi, ministre des Affaires culturelles, musicienne de son état, et comportera trois séances scientifiques. Pour la 1ère, elle sera réservée à l’histoire de la création de cette institution, apportant des éclairages sur le contexte de sa naissance, ses fondements, les obstacles auxquels la Rachidia fait face, la collecte et la préservation de ses archives et sur sa mission de sauvegarde de la musique tunisienne.
De l’identité musicale tunisienne suite à la création de la Rachidia, de la place qu’elle a occupée sur la scène artistique à l’époque et du rôle qu’a joué cette institution débattront les conférenciers, lors de la 2ème séance scientifique.
Ils ont fait le beau temps de la Rachidia
« Femmes et hommes qui ont contribué à la gloire de la Rachidia » tel est le thème de la 3ème séance qui sera axée sur ceux qui ont contribué au rayonnement de cette institution et de leurs apports tels que Cheikh Ali Derouiche, le professeur Ahmed Haddad, la chanteuse Chafia Rochdi, Mohamed Kadri et tant d’autres noms. Il est ainsi à rappeler que de nombreuses figures majeures de la musique tunisienne ont fait partie de la Rachidia, parmi lesquelles, nous citons : Khemais Tarnane, Mohamed Triki, Salah Mehdi, Mohamed Saâda, Saliha, Ridha Kaliî, Kaddour Srarfi,Tahar Gharsa, Abdelhamid Ben Aljia, Naâma, Oulaya, Zouheïra Salem, Noureddine Béji, Zied Gharsa, Mohamed Jebali et la liste est encore longue.
La célébration du 90ème anniversaire de la Rachidia se veut une importante occasion pour saluer la mémoire de celles et ceux qui ont écrit par leurs voix, leurs paroles, leurs compositions l’histoire de la musique tunisienne, à ces musiciens qui ont fait preuve de générosité au fil des décennies, partageant leur savoir-faire et leurs connaissances avec les nouvelles générations… A ceux qui ont lutté et qui continuent à lutter pour préserver la mémoire de cet édifice et pour digitaliser ses archives, un projet dont on a parlé en long et en large et qui ne semble pas avancer. La célébration de l’anniversaire sera également une belle opportunité pour poser les bonnes questions surtout avec la création de « Beït al Malouf » à la Cité de la culture et pour penser à une bonne stratégie permettant à ces deux institutions à se compléter sans qu’on perde l’une de deux.
Fondée le 3 novembre 1934, installée au cœur de la médina de Tunis, à Dar Daoulettli, l’une des belles demeures de la médina, la Rachidia est l’une des plus anciennes institutions du monde arabe. Son nom fait référence à Mohamed Rachid Bey, troisième souverain de la dynastie husseinite, poète et musicien passionné qui joue à l’oud et au violon, et qui a œuvré « à enrichir la musique tunisienne par des apports turcs, notamment au niveau des règles et rythmes de la nouba ». Pour l’histoire, le premier concert de la Rachidia a été donné au Théâtre municipal de Tunis au début de l’année 1935.
Toutes ces belles histoires qui ont façonné la mémoire de cette institution musicale et l’histoire de la musique tunisienne seront au cœur de cette journée scientifique… Seule adresse : le palais Ennejma Ezzahra, toute la journée jusqu’au 15h00.
I.A.