Par Hassan GHEDIRI
Reprenant son souffle après avoir atteint son niveau le plus bas depuis quatre ans, le prix du pétrole continuera à évoluer dans une incertitude qui semble paradoxalement profiter à la Tunisie.
La volte-face, complètement inattendue, opérée mercredi soir par le président américain sur les droits de douane imposés au reste du monde, à l’exception de la Chine, a eu un effet d’apaisement spectaculaire dans les bourses mondiales qui ont vu leurs indices s’envoler, hier. Donald Trump, qui a décidé la suspension pendant 90 jours des taxes sur plus d’une soixantaine de pays qui n’ont pas riposté à son offensive douanière, a fait retomber la pression sur les marchés internationaux qui s’est notamment manifestée par une remontée du prix du baril après une chute qui a duré plusieurs semaines.
Ce «cessez-le-feu» jusque-là improbable ne met toutefois pas fin à la guerre commerciale déclarée par les Etats-Unis d’Amérique, puisque la Chine, deuxième puissance économique mondiale et principale rivale, ne sera pas amnistiée et continuera à écoper d’une sanction douanière de 125%. Beaucoup d’observateurs dans le monde croient en effet que l’escalade de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine fait augmenter le risque de récession mondiale. Même si le prix du pétrole a montré des signes de décollage en remontant doucement la pente quelques heures après l’annonce de la pause tarifaire américaine, les analystes voient que les tensions se maintiennent et font assombrir les perspectives de la demande mondiale de l’or noir. Les prix du baril Brent, qui sont descendus sous les 60 dollars (58,90 dollars), avant-hier 9 avril 2025, pour la première fois depuis 2021 se sont redressés, momentanément après la volte-face de Trump en s’approchant des 66 dollars avant de fléchir une seconde fois pour se situer au-dessus de 64 dollars, hier.
Scénarios
Le gouvernement tunisien a établi son budget 2025 sur la base d’un prix du baril de pétrole estimé à 77,4 dollars. Toutefois, le cours actuel de l’or noir oscille entre 55 et 65 dollars, avec une moyenne autour de 60 dollars. Cette différence de prix représente une opportunité significative pour les finances publiques tunisiennes, notamment en matière de charges de compensation des produits pétroliers importés, qui sont directement liées aux cours mondiaux du pétrole. En effet, chaque dollar en moins sur le prix du baril permettrait une économie estimée à 140 millions de dinars tunisiens. Ainsi, si le prix moyen se maintient à 60 dollars, la Tunisie pourrait économiser environ 2,44 milliards de dinars par rapport aux prévisions initiales. Dans un scénario encore plus favorable, où le prix tomberait à 55 dollars, l’économie pourrait atteindre près de 3,14 milliards de dinars. Ces marges budgétaires pourraient offrir un répit au budget de l’État et être redirigées vers d’autres priorités économiques et sociales.
Avec les grandes difficultés que rencontre la Tunisie pour accéder à des financements extérieurs nécessaires pour combler ses déficits, les vents qui soufflent sur les marchés du pétrole semblent être favorables à notre économie parce ce que, comme le pensent beaucoup d’observateurs, la guerre commerciale est loin d’être terminée. Dans la foulée, une baisse des prix du pétrole ne peut être qu’une bonne chose pour notre pays et apportera une grande bouffée d’oxygène pour le budget de l’Etat, surtout si cette tendance venait à se consolider dans les prochaines semaines. Réaliser des économies sur les dépenses pouvant dépasser les 3 milliards de dinars c’est comme obtenir un don d’environ 1 milliard de dollars.
La stabilité des prix mondiaux du pétrole dans leur fourchette actuelle contribuerait également à rationaliser les prix de l’énergie sur le marché local, ce qui ne manquera pas de consolider la tendance baissière de l’inflation. En même temps, cela pourrait inciter la Banque centrale à assouplir davantage sa politique monétaire en réduisant, éventuellement son taux directeur, ce qui est de nature à dynamiser l’investissement et redémarrer la croissance.
H.G.